Pour une organisation de la lutte contre les feux de brousse sur le Territoire de Nouvelle-Calédonie

feu nouvelle-calédonie

Lettre adressée aux élus et à Monsieur le Haut-Commissaire, au Président du Congrès et aux conseillers

La communauté scientifique internationale s’accorde à penser que la Nouvelle-Calédonie fait partie des quatre ou cinq premières zones au monde en matière de biodiversité par rapport à sa superficie.
Le fort taux d’endémisme, la grande diversité de sa flore et de sa faune confère au milieu naturel calédonien un caractère très particulier et unique sur le globe.
Mais la Nouvelle-Calédonie fait également partie des douze pays au monde dans lesquels la biodiversité est la plus menacée. Les feux de brousse incontrôlés sont le facteur principal de cette destruction.
Malgré les campagnes de sensibilisation nombreuses et parfois coûteuses, malgré les interventions d’associations, malgré l’engagement de personnes volontaires sur le terrain, le bilan des feux de brousse est cette année encore lourd et ne cesse de progresser dans l’indifférence quasi générale des autorités :
70 000 ha brûlés en 1994 en Nouvelle-Calédonie, contre 20 000 en France et en Corse ( Source AFP)
Chacun connaît les conséquences écologiques et économiques désastreuses des feux de brousse :

  • Destruction du couvert végétal (souvent d’espèces endémiques rares)
  • Erosion et appauvrissement des sols
  • Sécheresse
  • Comblement des rivières, pollution des creeks et du lagon
  • Glissements de terrain…

Partout dans le monde, (Bornéo, Madagascar, Afrique, Amazonie…) les feux de brousse incontrôlés sont un facteur de désastre écologique, accompagné le plus souvent d’une ruine économique.

  • Conscients des dégradations que le feu entraîne sur l’environnement
  • Soucieux de la nécessité de préserver le patrimoine génétique exceptionnel de ce pays,
  • Affligés devant l’insuffisance des moyens d’intervention contre le feu sur le Territoire,
  • Estimant qu’une gestion rationnelle des ressources naturelles (eau, terre fertile, végétation…) est indispensable à un développement économique durable,

Nous considérons les feux de brousse comme un crime contre les générations à venir et la démission des autorités face à ce fléau comme une complicité de crime.
    Par conséquent, aujourd’hui 29 novembre 1994, nous demandons solennellement aux autorités de ce Territoire :
Que le Congrès prenne l’initiative de mettre en place sur l’ensemble du Territoire une stratégie globale de lutte contre les feux et d’organisation des secours, comprenant :

  • La mise en place dans les communes de Centres de Secours équipés de moyens de lutte contre les feux et disposant de personnel formé,
  • La création dans les tribus ou les quartiers isolés d’antennes ou de relais, susceptibles d’intervenir rapidement et de transmettre l’alerte au Centre de Secours le plus proche,
  • La dotation des Centres de Secours en moyens de transmission appropriés et harmonisés
  • La tenue à jour d’un inventaire des zones brûlées, avec leur superficie, leur localisation et le type de végétation détruite,
  • La localisation des zones à risque, le repérage des points d’eau et des accès,
  • La création d’un Centre de Formation territorial de pompiers professionnels et bénévoles,
  • L’intervention de l’armée, quand la gravité d’un feu dépasse les moyens d’une équipe locale.
  • Des moyens héliportés d’intervention : hélicoptères bombardiers d’eau et hélicoptères destinés au transport du personnel susceptible d’intervenir en cas d’alerte, en particulier dans les zones montagneuses
  • La mise à jour et l’application d’un cadre juridique de dissuasion et de répression, dans la perspective d’une réparation des dégâts occasionnés,
  • Le reboisement des sites dégradés par les feux, en particulier dans les zones sensibles (captages d’eau, flancs des montagnes au-dessus des rivières…)
  • La nomination d’un Officier de Sapeurs- Pompiers professionnels, hautement qualifié, affecté à la Direction Territoriale et chargé de la coordination de l’ensemble du dispositif,
  • L’adoption par l’Etat, le Territoire, les Provinces et les Communes d’un plan budgétaire pluriannuel couvrant à la fois les dépenses d’investissement (environ 500 millions la première année) et de fonctionnement (environ 100 millions/ an) à définir plus précisément en fonction des besoins.

Conscients du fait que les élus ne peuvent se prononcer sans une étude approfondie de faisabilité, nous demandons que le Congrès adopte aujourd’hui même le principe de :
La mise en place d’une commission formée d’élus du Congrès, des Provinces, de représentants de l’Etat et des Communes, de techniciens et d’associations chargée de présenter à la prochaine session du Congrès un projet territorial de lutte contre les feux, avec un calendrier et une estimation des coûts.


On ne peut pas se réclamer de ce pays en refusant de lui donner les moyens de préserver le patrimoine naturel qui en fait en grande partie son originalité, sa spécificité.

On ne peut pas prôner la priorité au développement économique, en laissant partir en fumée les ressources naturelles qui sont indispensables à un développement à long terme.

Les habitants de ce Territoire ne comprendraient pas, qu’une fois encore, leurs élus puissent hypothéquer l’avenir de leurs enfants par une démission qui ressemblerait à une véritable stratégie de la terre brûlée à l’encontre des générations futures.