Le projet de schéma 2023/2027 compte 92 pages. Il gagnerait en lisibilité s’il était plus concis, et s’il s’en tenait à l’essentiel, à savoir : le bilan du schéma précédent (2018/ 2022) , les orientions et objectifs opérationnels, évaluables du nouveau schéma, tels qu’ils sont formulés de la page 70 à 79.
1. Outil de planification ou de communication ?
L’introduction, le langage et les concepts utilisés, surtout au début, mais aussi tout au long du document, tels que « améliorer la résilience de l’économie locale », « promouvoir l’économie de la fonctionnalité », « la gestion durable des déchets », « développer l’écologie industrielle et territoriale » « développer la mobilité durable » ressemblent davantage à un outil de propagande, un emballage séduisant plutôt qu’à un outil de planification. Ils contribuent à donner cette impression et à creuser l’écart entre le discours et la pratique. On peut d’ailleurs s’interroger s’il n ‘est pas destiné avant tout à occulter les réalités du terrain parfois très éloignées de la « vision » affichée dans le nouveau schéma.
2. Que fait-on de la grille de suivi et d’évaluation du schéma 2018/2022 ?
En toute logique, l’état des lieux devrait s’appuyer sur le bilan du schéma précédent (2018/ 2022) qui avait le mérite de comporter une grille assez précise de suivi et d’évaluation. Cette grille n’a été reprise que sous forme de figures très synthétiques dans le nouveau schéma. On était en droit d’attendre un bilan chiffré avec une analyse rigoureuse des résultats permettant de vérifier si les objectifs fixés ont été atteints ou non et pourquoi. Il n’en est rien. La façon dont les résultats ont été présentés, outre son caractère subjectif puisqu’il ne repose sur aucune donnée chiffrée, est inopérante pour jeter les bases d’un nouveau projet.
3. Des avancées certes mais une marge de progression considérable
Par exemple :
Les déchets verts, le schéma 2018/2022 avait pour objectif 100% de déchets verts valorisés. L’état des lieux du schéma 2023/2027 annonce un progrès. On passe de 18% en 2020 à 32% en 2021. Donc un progrès important mais une marge de progrès considérable
Les boues de station d’épuration, le schéma 2018/2022 fixait 75% de valorisation en 2022. L’état des lieux du schéma 2023/2027 estime en 2022 un gisement annuel de 8500t, dont 4000 t sont traitées à Karenga et par ES Service donc à hauteur de 47%
Les déchets d’emballage : Le schéma 2018/2022 prévoyait 30% de valorisation des canettes aluminium mises sur le marché en 2022 et 40% des emballages en verre. L’état des lieux actuel annonce la création de la filière REP emballage par Délibération n° 41-2021/APS du 24 juin 2021 sans autre précision hormis l’ objectif de valorisation de 100% du tonnage collecté
Les DMA (Déchets ménagers et Assimilés) : Dans le schéma 2018/ 2022 les objectifs étaient : réduire de 10% la production de DMA et diminuer de 15 % les tonnages de déchets enfouis. Dans le schéma de 2023/2027 il s’agit de diminuer de 15 % la production d’ordures ménagères résiduelles et de baisser le taux d’enfouissement. Si on s’en tient à l’état des lieux qui figure dans le nouveau schéma (en annexe 3 p. 87) on peut considérer que ces objectifs sont atteints. Ceci est assez surprenant quand on prend connaissance des chiffres du SIGN qui donnent en 2021 une augmentation de 14 % des déchets enfouis à Gadji par rapport à 2020. On notera aussi que le taux de valorisation des déchets du SIGN pour les dernières années varie entre 4 et 6%, donc que le taux d’enfouissement reste très élevé puisqu’il serait autour de 94%..L’état des lieux du nouveau schéma mentionne bien « le potentiel de valorisation des ordures ménagères résiduelles » (fermentescibles, plastique, carton, verre, métaux textiles), mais ne précise pas les quantités ni le taux actuellement trié pour être valorisé.
Les autres déchets non dangereux : Avec une quantité tout à fait considérable, de 132 256 tonnes en 2021, le taux de valorisation et l’évolution de cette catégorie de déchets notamment pour les cendres de Prony énergie ne sont guère précisés.
4. L’économie circulaire : mythe ou réalité ?
Le nouveau schéma fait la part belle à « l’économie circulaire ». Elle est « au cœur de la stratégie de prévention et gestion des déchets de la PS depuis 2018 ». L’économie circulaire est une approche de la gestion des déchets. Il y en a d’autres, comme « l’objectif zéro déchets ». En l’absence de chiffres précis et d’un calendrier rigoureux pour la mise en œuvre des filières de valorisation, l’économie circulaire est un leurre. En ce qui concerne les déchets ménagers, sans tri et collecte sélective à la source dans chaque foyer, l’économie circulaire reste un mythe. L’économie circulaire suppose la mise en œuvre de filières de valorisation, ce qui exige la mise à disposition dans chaque foyer de deux poubelles, l’une destinée à recevoir les déchets à enfouir, l’autre pour les déchets susceptibles d’être valorisés. Cette disposition n’a été nulle part évoquée dans le nouveau schéma. Dans le Grand Nouméa, seul le Mont Dore et partiellement Dumbéa ont franchi le pas. Nous considérons que pour réduire de façon significative l’enfouissement, ce dispositif est incontournable et qu’il devrait primer sur toute autre initiative en matière de traitement des déchets. Par ailleurs, la mise en œuvre des filières sur lesquelles repose l’économie circulaire ne peuvent pas se développer sur la base seule de l’initiative privée ou la bonne volonté des administrés comme cela semble être le cas, mais aussi sur une volonté politique forte des autorités dont c’est la compétence.
Nous espérons que l’économie circulaire dont il est fait l’éloge, ne se réduise pas en définitive à une banale opération de greenwashing ouvrant la voie à une surconsommation en « bonne conscience »...
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