Rencontre avec l'ICAN, Le 27 novembre 2020 au Sénat coutumier

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Rencontre au senat coutumier

Rencontres au senat coutumier

Présentations

Parmi les personnes présentes, il y avait des représentants de syndicats, la FINC (Fédération des Industries de Nouvelle Calédonie), avec Xavier Benoist, la CMPE (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), avec Yann Lucien, le SGTINC avec Grégoire Ouary, l’USTKE avec Mme Streeter, Martine Cornaille pour EPLP….
Le Président de l’aire Drubea Kapomé ouvre la réunion par un mot d’accueil. Raphaël Mapou précise l’objectif de la rencontre à savoir expliquer et préciser le sens de la démarche du collectif concernant l’avenir de l’usine du sud et plus particulièrement les actions en cours. Teddy Dalmerac a présenté un rappel historique du mouvement depuis fin 2019.
En 2008 l’autorisation avait été donnée à Valé de produire de l’oxyde de nickel et du cobalt. Les mesures de défiscalisation et en particulier le pacte de stabilité fiscale avaient été accordé à cette fin. Dès 2009, l’usine rencontre un certain nombre de difficultés comme par exemple la fuite acide puis celle de 2014. En 2016, l’usine fonctionne de façon à peu près satisfaisante avec 80% de production nominale, mais Sumitomo, l’actionnaire japonais quitte le navire. Valé n’atteint pas les objectifs attendus pour la production d’oxyde de nickel et fonctionne à perte. En 2018 arrive Antonin Beurrier qui décide de changer de modèle en produisant du NHC (Nickel Hydroxyde Cake) un sous- produit du nickel qui se vend beaucoup moins cher sur le marché mondial, mais qui est présenté comme un produit d’avenir en raison du développement des voitures électriques. Pour compenser le manque à gagner il décide d’exporter du minerai brut (2 millions de garniérite).
Il annonce ce changement à la tribu de Goro où des garanties sont demandées par les coutumiers sur le barrage et le projet Lucy destiné à traiter les 45 millions de tonnes de résidus stockées dans le bassin de décantation. Il fixe un ultimatum : « ou vous suivez ou vous ne suivez pas ». La Province sud est consultée et semble avoir accepté la production de NHC qui ne correspond pourtant pas à la production finale qui avait initialement été autorisée par les autorités.
Valé annonce son intention de vendre l’usine et propose un premier acquéreur NCR. Parce que les enjeux autour de l’usine du sud dépassent le cadre strict de la Province sud et qu’ils concernent les trois Province, l’Ican décide de créer un collectif. Une première mobilisation s’organise en raison d’un désaccord sur le modèle, à savoir, produire du NHC, et exporter massivement du minerai brut pour équilibrer les comptes. Le projet NCR apparait aussi comme une opération spéculative en raison des liens que cette firme entretient avec un industriel chinois.
Les dernières années, en NC, l’exportation de minerai brut a considérablement augmenté, une dérive qui illustre le fait que la Nouvelle Calédonie n’a pas de politique nickel et que ses activités minières et métallurgiques dépendent étroitement de la politique indonésienne du nickel, avec laquelle elle se trouve obligée de composer. Le collectif décide de suspendre sa mobilisation pour permettre un bon déroulement de la consultation référendaire au 4 novembre.
Depuis 6 mois, on peut constater que le collectif n’est pas pris en considération. Ni par la Province sud, ni par l’Etat comme l’a montré le ministre qui a refusé de recevoir le collectif. A l’issue de la crise du Covid on espérait une ouverture. On a demandé une table ronde, jusqu’ici on n’a rien obtenu. L’usine tourne au ralenti pour ne pas mettre en péril l’outil de travail. Le port a été bloqué, de nombreuses actions sont en cours…. Le mouvement est lancé, on ne l’arrête pas.
Les règles en matière d’appel d’offre n’ont pas été respectées. Elles prévoient plusieurs étapes : une première étape à Bercy où les offres sont examinées. Koréa Zinc a passé cette étape. Sa candidature avait été retenue. Pour la seconde étape il s’agissait de présenter une offre chiffrée plus précise qui ne peut se faire que sur la base d’une expertise, la due diligence qui a jusqu’ici été refusée à Koréa zinc. Un dossier a donc été déposé au pénal pour non- respect de la procédure d’appel d’offre. On notera que l’appel d’offre porte non seulement sur l’usine mais aussi les 20 500 hectares qui constituent le domaine. Nous estimons que sur ce sujet, la société civile doit s’exprimer.   
Le collectif est favorable à l’option Koréa zinc parce qu’elle implique la participation des 3 provinces, c’est donc un projet pays, elle comporte la mise en œuvre d’un fonds de prévoyance ou de souveraineté (pour les générations futures).  Koréa zinc s’engagerait à produire du NHC pendant 2 ans puis de repasser à la production d’oxyde de nickel et de cobalt. Il n’envisage pas d’exporter de garniérite  
 Pour présenter un dossier chiffré a besoin de procéder à une évaluation approfondie du barrage pour évaluer les risques environnementaux et financiers, mais aussi à une analyse des résidus stockés dans le bassin dont on pourrait peut-être envisager un retraitement pour en valoriser certains composants. A défaut, le coût de fonctionnement du projet Lucy, qui pourrait se révéler très élevé compte tenu de l’énergie et du personnel requis (60 emplois) doit être calculé avec précision pour évaluer au final la rentabilité de l’usine.
Le projet Trafigura est destiné à produire du NHC pour la fabrication de batteries. L’affinage   serait délocalisé. La répartition de l’actionnariat comporte des zones d’ombres avec 25% seulement des actions portées par Trafigura, de 5 à 10% d’action pour la SPMSC (Société de Participation Minière du Sud), 5% d’actions privées, 23% d’actions pour les salariés…L’USTKE a annoncé d’ores été déjà le retrait de ses adhérents à ce dispositif.     
Le message du collectif est clair :
-    Il demande que soit respecté le principe de la due diligence, donc que les experts coréens puissent visiter le complexe industriel et l’expertiser
-    Permettre à Sofinor et Koréa zinc, à l’occasion d’une table ronde, de présenter leur projet en le comparant avec celui de Trafigura argument contre argument
-    Aucune augmentation de l’exportation de minerai brut
-    Le rejet de l’option Trafigura qui condamnerait l’usine du sud à poursuivre la production de NHC et l’exportation de minerai brut pour assurer l’équilibre financier et assumer le coût de fonctionnement du projet Lucy
-    Le rejet d’une option qui risque de générer une instabilité économique et sociale, chronique et de faire de l’usine du sud une SLN bis.
-    La Province sud nous avait présenté l’usine du sud comme un eldorado au moment de sa création, maintenant on veut des résultats et on veut que la Province sud prenne des décisions conformes à ses engagements. On veut une usine qui marche pour pouvoir financer les engagements environnementaux  
Le principe d’une table ronde semble acquis puisque le ministre a l’annoncée ce matin.
Réaction des syndicats :
Enjeux économiques, sociaux, mais aussi politiques considérables- Priorité doit être donnée au dialogue et à la communication – Maintien des emplois - Mettre un terme aux blocages  d’entreprises qui entravent le développement économique- Ne pas pénaliser la société civile - Si on n’a pas l’accord des populations de la région, le projet n’est pas viable. Leur accord est une condition sine qua non.-  CPME : La production de NHC pour les batterie est un mauvais choix car la voiture électrique n’a pas d’avenir – le recyclage des batteries pose problème et c’est une technologie qui nécessite de nombreux métaux et terres rares, dont le cuivre donc très polluante.

Intervention d’Action Biosphère

La journée d’aujourd’hui est un grand jour puisque le ministre a enfin annoncé l’organisation d’une table ronde. Dommage qu’au pays dont la devise est « Paroles et partage »,il ait fallu attendre plusieurs semaines et même plusieurs mois pour obtenir une table ronde réunissant les principaux protagonistes et ouvrir le dialogue
Nous considérons que l’exportation de minerai brut est une erreur pour le pays parce que c’est une façon de dilapider nos ressources et ne permet pas aux populations de bénéficier des retombées qu’elles seraient en droit d’attendre. C’est l’une des raisons qui nous ont conduit à soutenir le collectif « usine du sud usine pays ». Et aussi parce que nous défendons l’idée d’ une politique nickel cohérente au niveau du pays qui profite prioritairement aux populations calédoniennes.

Il nous parait légitime et logique que les ingénieurs de Koréa zinc puissent procéder à une évaluation  approfondie du complexe industriel du sud avant d’en faire l’acquisition. Mais nous demandons aussi un état des lieux environnemental réalisé par des experts indépendants pour évaluer l’état du barrage dont les conséquences en cas de rupture pourraient se révéler désastreuses sur le plan écologique et financier, comme cela a été le cas au Brésil en 2019 à l’occasion de la rupture de Brumadinho. Nous demandons en outre un état des lieux scientifique sur l’état des nappes phréatiques, de la biodiversité, du milieu marin
Nous soutenons enfin le projet de création d’un fonds pour les générations futures prévu dans l’option Koréa zinc dont il avait été question à l’occasion du colloque sur le nickel organisé par l’Usoenc en 2005 et jamais mis en place.

Nous demandons que les bénéfices que pourrait générer l’usine du sud ne servent pas essentiellement à enrichir quelques actionnaires, mais à réparer les dégâts occasionnés par  l’exploitation minière dans le passé comme par exemple la réhabilitation des 20 000 hectares de mines orphelines et préparer la sortie du nickel qui n’est pas une ressource durable par le développement et la promotion d’activités économiques alternatives au nickel.