Dans le cadre d'une réforme du CESE, nous avons été sollicités pour répondre à un questionnaire sur le fonctionnement du CESE. Voici ci-dessous les questions, nos observations et propositions...
1. Savez-vous ce qu’est le CESE ?
Le CESE, Conseil Economique Social et Environnemental est une institution consultative qui compte 41 membres issus ou représentants d’organisations professionnelles, de syndicats ou d’associations, désignés par le Sénat Coutumier, le CCE (Comité Consultatif de l’Environnement, relevant du Congrès), les Provinces et le gouvernement. Elle a pour mission d’émettre des avis sur des projets de loi ou de délibérations et d’énoncer des propositions aux autorités qui le sollicitent : le gouvernement, le sénat coutumier ou les provinces.
2. Avez-vous déjà été auditionnées ou consultés par le CESE ?
Notre association, Action Biosphère, a été sollicitée par le CESE sur un certain nombre de projets de loi ou de problématiques comme par exemple :
- La sécurisation des populations – Infrastructures adaptées face à l’érosion du littoral (07/02/2018)
- La protection des espaces naturels et intérêts culturels associés – Projet de délibération de la Province des Iles (15/04/2018)
- Ressources biologiques génétiques et biochimiques – Projet de délibération de la Province nord (20/04/2018)
- Projet de réglementation relative à l’accès à la nature – Code de l’environnement Province des Iles Loyauté (15/05/2020)
3. Le CESE est-il utile dans la vie politique de la Nouvelle Calédonie ? Est-il utile pour la démocratie participative ou non et pourquoi ?
Les décisions sont principalement prises par les élus qui composent les assemblées de Province et le gouvernement. Leurs décisions reflètent le plus souvent les idées et points de vue du parti auquel ils appartiennent et sont le résultat d’un compromis idéologique qui peut se révéler assez éloigné des intérêts à court, moyen ou long terme de la société civile. De plus, « l’entre-soi » au sein de la classe politique peut parfois, quelle que soit l’étiquette, conduire à favoriser des relations ou des réseaux dont ils sont proches voire captifs au détriment de l’intérêt général. On peut considérer que le fonctionnement de la vie politique calédonienne correspond aujourd’hui davantage à un régime de démocratie élective, que certains qualifieront d’oligarchie, plutôt que de démocratie participative qui reste un chantier à construire.
L’utilité du CESE peut donc se mesurer à sa capacité de ne pas être un simple reflet ou une réplique fidèle des sensibilités ou querelles politiciennes qui nourrissent les débats au sein des hémicycles politiques. Il est indispensable, en dehors des consultations électorales, que la société civile dispose d’espaces où elle peut exprimer son point de vue et peser sur les décisions prises par les élus.
Le rôle du CESE serait d’autant plus incontestable qu’il fait la preuve de sa capacité à se situer au-dessus des querelles partisanes, de se mettre à l’écoute de la société civile, d’en relayer les points de vue, d’asseoir ses propositions sur des expertises rigoureuses et éprouvées, et au final de faire valoir ses avis auprès des élus.
Pour conférer au CESE un rôle institutionnel reconnu et incontournable, il serait souhaitable que les avis qu’il donne relève de ce qu’on appelle en droit administratif un « avis conforme »
4. Que pensez-vous des avis rendus par le CESE ?
Ses avis et propositions sont peu connus du grand public. Ils mériteraient une plus large diffusion pour que le public soit en mesure d’en saisir les enjeux. Ce qui nécessite des médias qui ne sont pas inféodés à des groupes de pression politiques ou économiques et qu’il dispose de moyens de communication indépendants. Ils doivent s’appuyer sur une information rigoureuse et une investigation préalable sans complaisance et des références issues d’expertises qui font autorité.
5. Que pensez-vous de la composition actuelle du CESE, est-il une bonne représentation de la société civile sinon quelle est pour vous une juste représentation ?
La mission du CESE étant de rendre des avis sur des sujets économiques, sociaux, culturels et environnementaux, il est logique que les membres qui le composent, soient recrutés en fonction de leur proximité, de leur connaissance et de leur expérience dans ces domaines.
Pour être représentatifs de la société civile, il nous semble toutefois important de veiller aux points de vigilance suivants :
- La composition du CESE devrait refléter la société calédonienne et donc se rapprocher le plus possible d’une configuration qui respecte les proportions statistiques de ses constituants, géographique, ethnique, culturelle, de parité homme/femme, d’âge, de catégorie socio-culturelle, d’activité professionnelle…
- Dans les domaines où il est appelé à donner un avis, il serait pertinent qu’il s’entoure d’un « comité technique et scientifique » ou/et d’un réseau d’experts de haut niveau indépendants, susceptibles d’apporter les informations requises et une argumentation rigoureuse sur les sujets soumis à son examen.
6. Quelles devraient être les missions du CESE ?
Le CESE devrait être une institution permettant à la société civile de s’exprimer sur des problématiques importantes d’intérêt général. Il doit être un espace d’expression démocratique, d’échanges, de débats, de concertation, d’information et même d’investigation sur des sujets complexes afin que les conseillers soient en mesure d’exprimer un avis éclairé sur les questions qui leur sont soumises. La principale mission du CESE devrait être de relayer les avis émanant de la société civile afin de peser significativement sur les décisions politiques dans l’intérêt général.
7. La composition du CESE doit-elle évoluer ?
Si le rôle du CESE est appelé à évoluer pour devenir l’interface entre la société civile et les élus des Provinces, du Congrès et du gouvernement, sa composition et son mode de désignation doivent nécessairement évoluer.
8. Le CESE doit-il recevoir des pétitions citoyennes sur des sujets sociétaux ?
En dehors des consultations électorales, la société civile dispose de peu de moyens pour s’exprimer sur des sujets de la vie quotidienne qui la concernent parfois de près. Les pétitions citoyennes sont l’un de ces moyens. Si le CESE veut se mettre à l’écoute des citoyens, il lui revient de n’écarter aucune source d’information y compris les pétitions citoyennes.
9. Comment les conseillères et les conseillers du CESE devraient-il être désigné(es) ?
Actuellement les membres du CESE sont principalement désignés par les Provinces et le gouvernement. De ce fait le CESE entretient des relations privilégiées avec les élus de ces instances. Le CESE devrait être avant tout une émanation de la société civile, donc des gens concernés sur le terrain par les questions soumises.
Pour être plus proche des citoyens, il serait donc intéressant que, dans chaque commune soit créée une Assemblée Consultative Citoyenne (ACC) composée de représentants d’associations environnementales, de syndicats, de groupements à finalité culturelle ou économique, dont la mission serait d’examiner tout projet avant validation du conseil municipal de leur commune. Ces Assemblées Consultatives Citoyennes désigneraient un représentant au CESE Pays pour y traiter des sujets d’intérêt général, qui dépassent les limites des compétences communales et qui relèvent des compétences des Provinces ou du Gouvernement.
10. Le CESE devrait-il organiser des consultations citoyennes ?
Nous sommes favorables à l’organisation de consultations citoyennes organisées par le CESE ou d’autres instances, comme par exemple les communes, avec une participation du CESE, sous réserve que :
- Ceux qui sont appelés à ces consultations disposent préalablement de toutes les informations disponibles voire contradictoires, sur les problématiques qui font l’objet de la consultation pour être en mesure de donner un avis éclairé sur le sujet
- Que les consultations soient un espace de dialogue, de débat et même de confrontation d’avis contradictoires
- Que toutes les dispositions soient prises pour que ces consultations ne soient pas instrumentalisées par des instances politiques administratives ou « noyautées » par des groupes de pression à des fins partisanes ou de profit sous couvert de consultation publique
11. Avez-vous d’autres suggestions ou remarques ?
Nous avons observé qu’on retrouve parfois au CESE et au CCE les mêmes dossiers qui sont soumis aux mêmes personnes, ce qui constitue une perte de temps pour les personnes concernées et un non-sens administratif. Il nous paraît important que les domaines de compétences et d’intervention de chacune de ces institutions soient redéfinies, clairement fixés et identifiés par les acteurs concernés pour éviter de faire double emploi.
NB : En droit administratif français, on peut distinguer 3 catégories d’avis : l’avis simple, qui n’est pas obligatoirement demandé ni suivi, l’avis obligatoire, où l’autorité est obligée de consulter l’instance qui doit émettre un avis et « l’avis conforme » où l’autorité est non seulement obligée de consulter l’instance qui doit émettre l’avis, mais aussi de le suivre. On parle alors de compétences « liées ». L’autorité, dans la décision qu’elle a à prendre, est liée par l’avis donné par l’instance.
ACTION BIOSPHERE,
Nouméa, le 17 aout 2020.
- Se connecter pour publier des commentaires