L’article paru le 8 juin 2017 dans Les Nouvelles Calédoniennes sous le titre « Quel rôle pour notre parc marin ? », appelle de notre part quelques observations principalement sur les niveaux de protection et les motifs de notre désaccord sur l’actuel plan de gestion.
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Sur la durée de l’élaboration du plan de gestion.
Nous sommes les premiers à déplorer qu’après 3 années de gestation du plan de gestion, le Parc Naturel Marin de la Mer de Corail, ne soit aujourd’hui encore qu’une « coquille vide »
Toutefois, si on compare la démarche menée en Nouvelle Calédonie à celle d’autres régions, la durée d’élaboration du plan n’a rien d’exceptionnel. N’étant soumis à aucun calendrier politique ou électoral, nous considérons que le temps mis, même s’il paraît long n’est pas du temps perdu. Compte tenu des enjeux, de la complexité des données, des conflits d’usages, du caractère expérimental de la démarche, nous pensons qu’il vaut mieux mettre le temps qu’il faut pour que le Parc Naturel ne soit pas qu’un écran de fumée, une carte postale pour amateurs d’exotisme, mais un véritable dispositif comportant des mesures efficientes de protection des écosystèmes, ce qui correspond à la finalité même du parc.
- Sur les niveaux de protection, les catégories et le zonage
On peut lire dans l’article que la parc marin: « est une AMP (Aire Marine Protégée) de niveau 6, le niveau le plus bas qui n’interdit, à priori, que l’activité industrielle ». Or en Nouvelle Calédonie, il n’existe juridiquement que 4 catégories d’AMP, si on se réfère à la Délibération n° 51/ CP du 20 avril 2011 relative à la définition des aires protégées de l’espace maritime en Nouvelle Calédonie… :
- Réserve intégrale
- Réserve naturelle
- Aire de gestion durable
- Parc naturel qui contient une ou plusieurs aires relevant des autres catégories
Le niveau 6 auquel fait référence l’article relève du classement UICN, qui comprend 6 niveaux, le niveau 6 étant effectivement le niveau le plus bas. Par contre, contrairement à ce qui est dit dans l’article, le niveau 6 UICN, autorise l’activité industrielle. Il ne comporte qu’une interdiction, celle d’y habiter. L’ambiguïté entre les catégories et les différences entre les niveaux de protection selon les échelles de référence, locale ou internationales ( il y en a d’autres que celle de l’UICN par exemple «no take » de Pew) ne sont pas des questions anodines. L’élaboration d’un plan de gestion nécessite qu’on se mette d’accord sur ce qu’on met derrière chacune de ces catégories (par exemple, ce qui est autorisé, et ce qui ne l’est pas). Les différentes catégories et les niveaux de protection qui y sont associés, renvoient par ailleurs au zonage du Parc à savoir la délimitation des espaces relevant de l’une ou l’autre de ces catégories. Catégories, niveaux de protection, zonage sont des concepts clés qui n’ont pas fait l’objet d’un débat argumenté au sein du Comité de gestion, alors qu’ils sont essentiels pour élaborer un plan de gestion. En se référant à l’échelle de classement UICN, notre association est favorable, hormis les zones relevant d’une protection intégrale de niveau 1 ou 2, du classement de la totalité du Parc naturel marin en catégorie 4, où l’activité minière de fond et du sous-sol est interdite.
- Sur le plan de gestion
Le document, fruit de nombreuses réunions des membres du comité de gestion pendant 3 ans et présenté par la Direction des Affaires Maritimes comme le plan de gestion, n’est pas conforme à nos yeux à cette appellation. Il manque pour la plupart des objectifs un plan d’actions, des indicateurs de résultat, un calendrier de mise en œuvre, l’identification des référents, le budget prévisionnel….Dans sa version actuelle, de notre point de vue, il s’agit d’avantage d’un « schéma directeur », assorti de vœux pieux, sans contrainte, ni cartes de zonage, où tout peut plus ou moins être autorisé selon le bon vouloir des décideurs, qui sont statutairement le haussaire et le président du gouvernement.
- Sur les motifs de notre désaccord
Il ressort clairement des points précédents, que notre désaccord n’est pas simplement une question de méthode ou de forme, même si dans ce domaine, d’autres points mériteraient d’être soulevés, mais bien des questions de fond restées à ce jour sans réponse. Outre le flou des concepts, l’ambiguïté de certaines formulations, le caractère non contraignant des mesures, ce qui nous est présenté comme un plan de gestion entrouvre la porte à la prospection et l’exploitation par des multinationales des ressources minérales sous-marines de notre ZEE, des activités industrielles que tous les rapports scientifiques sérieux dénoncent comme hautement dommageables pour l’environnement. Après plus de 130 ans d’exploitation minière terrestre, nous avons l’expérience des dégâts imputables à ces activités et nous espérons que le plan de gestion du Parc marin constitue un garde-fou destiné à épargner le milieu marin des dégâts de l’exploitation minière. Ce point a fait l’objet de débats au sein du comité et, comme on peut l’imaginer, est loin de faire l’unanimité.
A l’occasion de la dernière réunion du comité de gestion, nous avons développé nos arguments sous la forme d’une « Déclaration », adressée aux décideurs et nous nous sommes associés aux autres associations du collège de la société civile pour faire valoir notre position. (Notre déclaration est accessible sur notre site)
Compte tenu des enjeux, nous estimons légitime que la population calédonienne soit largement informée sur ce sujet. C’est la raison d’être de cette mise au point, qui est de nature, nous l’espérons, à clarifier le débat sur le rôle et l’avenir du Parc naturel marin de la Mer de Corail.
Le 19/06/2017, ACTION BIOSPHERE
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