Observations d’Action Biosphère dans le cadre de l’enquête publique du 15 au 21 octobre 1993, relative au projet d’extraction de sable lagonaire à proximité de l’îlot Ténia.
Consciente de la nécessité pour le Territoire de renforcer et de diversifier son développement économique, Action Biosphère s’inscrit résolument dans la perspective d’un développement à long terme. Par contre notre association ne cautionnera aucune tentative visant à exploiter les ressources naturelles non renouvelables à des fins de profits à court terme au détriment du milieu naturel.
Après un examen attentif du dossier relatif au projet d’extraction de sable lagonaire à proximité de l’îlot Ténia par la Société le Chalandage, Action Biosphère tient à donner son point de vue sur ce projet. Nos observations seront successivement d’ordre économique, biologique, juridique et porteront donc sur :
1. Les sources d’approvisionnement en sable.
2. L’impact sur le milieu
3. L’analyse critique des mesures préconisées
4. L’ambiguïté des compétences
1. Les sources d’approvisionnement en sable
a) Un état de la situation
La Société le Chalandage fournit encore 80% du sable commercialisé à Nouméa et dans sa banlieue, soit un volume de 60 000 m3/an, au prix de 3700 cfp le m3. Cette société qui possède une concession l’autorisant à exploiter et à commercialiser le sable de mer sur l’îlot Puen, détient une situation proche du monopole pour l’approvisionnement en sable dans la Province Sud. Le gisement de l’îlot Puen étant en voie d’épuisement, le Chalandage est à la recherche d’un nouveau site d’exploitation. Non loin du site actuel se trouve un gisement important de sable au fond du lagon, évalué à 5 millions de m3, d’une épaisseur de 2 à 7 mètres et d’une surface de 150 hectares. Ce gisement est évidemment considérable et suffirait à approvisionner le marché calédonien de construction, travaux publics et rechargement de plage à Nouméa pendant au moins 10 ans.
b) Les arguments du Chalandage
Pour obtenir cette nouvelle concession, le Chalandage essaie de faire croire que le Territoire pourrait se trouver en rupture d’approvisionnement si cette nouvelle concession ne lui était pas accordée, ce qui pourrait fortement freiner le secteur du bâtiment et des travaux publics. De plus, une situation de pénurie de sable pourrait entraîner une prolifération de carrières sauvages, échappant aux normes d’exploitation, en particulier de protection du milieu et dont le sable lui-même échapperait à tout contrôle de qualité.
c) Les « avantages » du sable de mer
Après avoir exploité le sable de bord de mer, la tentation est donc forte pour le Chalandage, de retirer le sable du fond du lagon. Pour l’exploitant, le sable de mer présente en effet l’avantage d’être immédiatement commercialisable, pratiquement sans préparation et de répondre suffisamment aux critères de qualité exigée en matière de fabrication de béton. De plus les entreprises semblent traditionnellement préférer le sable de mer. A noter toutefois qu’aucune étude sérieuse ne permet d’affirmer la supériorité des qualités du sable de mer sur d’autres sables pour la fabrication du béton. Dans le passé, l’utilisation du sable de mer n’était pas sans problème, probablement dû à la granulométrie sous/optimale et/ou à une certaine salinité. Les résultats des essais sur béton réalisés à partir de l’échantillon de sable prélevé le 3 mai 1993 réclamé par le Service des Mines n’ont pas été fournis. Cette demande ne soulève-t-elle pas le problème plus général de l’agrément préalable du sable de mer à usage béton ?
d) Le sable de mer, un matériau fossile
Il ne demeure pas moins vrai que le sable de mer est un matériau fossile, produit de mécanismes biologiques, accumulé depuis des milliers d’années et dont le rôle de filtre, est loin d’être négligeable pour l’écosystème marin parce qu’il recycle en partie les matières organiques. Ces gisements certes considérables, s’ils peuvent encore satisfaire les besoins croissants de notre société finiront bien un jour par s’épuiser. De plus, si on poursuit dans cette perspective, on pourrait être obligé de mettre en péril des zones de plus en plus vulnérables. Comme l’exploitation du bois des forêts primaires, l’exploitation du sable de mer est une forme de « cueillette », d’une ressource naturelle au renouvellement lent à laquelle il faudra bien trouver un produit de substitution.
e) Il existe d’autres sources d’approvisionnement en sable
Chacun sait qu’il existe en Nouvelle-Calédonie d’autres types de sables, aux qualités équivalentes ou supérieures : le sable de rivière, les sable de concassage, ou même pour certains bétons grossiers, les scories de la SLN.
A la différence du sable de mer, ces sables exigent pour être utilisés, une préparation, des installations de lavage, des concasseurs, des unités de criblage, et donc un certain investissement ; Cependant le prix actuel du m3 de sable de rivière est de 1800 francs/m3, ce qui laisse une marge par rapport au sable de mer, qui permettrait cet investissement. Toujours est-il que ces sables ont l’avantage de reposer sur des gisements diversifiés et leur exploitation n’aurait pas sur l’environnement les effets négatifs de l’extraction du sable de lagon.
Les stocks disponibles sont considérables : que l’on songe par exemple au sable qui engorge les estuaires, aux galets qui encombrent le lit des rivières ( ex : la Tontouta) et qui provoquent régulièrement des inondations, aux scories du nickel dont on remblaie les mangroves, aux stériles que l’on entasse dans les décharges sur les mines… En produisant du sable à partir de ces matériaux, on se débarrasserait du même coup de « déchets » jugés nuisibles et sans valeur.
f) Absence d’une étude technique comparative sur le sable de Nouvelle-Calédonie
Ayant recherché dans ce domaine des éléments objectifs d’information, nous n’avons malheureusement pas trouvé d’étude scientifique comportant un inventaire des ressources de sable (de mer, de rivière, de concassage, scories), une étude comparative de leurs caractéristiques pour la fabrication de béton, les coûts d’exploitation, les conséquences prévisibles sur l’environnement, les prix de vente, compte tenu des coûts de production. Une étude de ce type fait aujourd’hui gravement défaut. Mais peut-être n’est-il pas trop tard pour que les services compétents décident de l’entreprendre ? A notre connaissance, cette demande aurait déjà été formulée par le Service des Mines.
Après consultation d’un certain nombre de professionnels et de techniciens, nous sommes en mesure d’affirmer qu’il existe des procédés permettant la production quasi illimité de sable, par concassage, lavage, élimination des fines par cyclonage et criblage aux qualités agrées, supérieures à celles du sable de mer, pour la fabrication de béton. Le principal obstacle à une technologie de ce type est la situation de monopole dont jouit la Société qui exploite le sable de mer. Un délai de quelques mois suffirait en fait pour assurer un approvisionnement définitif de sable autre que le sable d’origine marine. Il semblerait même que certains professionnels envisagent déjà une reconversion, visant à l’abandon du sable de mer. De plus, s’agissant d’exploitations terrestres, leur impact sur le milieu serait plus facilement contrôlable que pour une exploitation de sable lagonaire.
2. L’impact sur le milieu d’une exploitation de sable lagonaire
Les études préalables réalisées par A2EP et l’Orstom mettent bien en évidence les conséquences prévisibles d’une telle exploitation. Pour mémoire, voici quelques-unes des conclusions de leurs rapports avec nos observations :
a) Augmentation de la turbidité de l’eau
On a pu observer, dans la zone prévue d’exploitation, une eutrophisation naturelle en cours. Les scientifiques ont noté son confinement, la salinité élevée de l’eau de mer, un excès de sels nutritifs non utilisés. Ajouter à cette situation vulnérable un nouveau facteur de stress risque de provoquer sur le milieu des déséquilibres irréversibles. Le mode d’extraction par aspiration, s’il est moins polluant que l’extraction par dragage ne peut empêcher la dissémination de fines dans l’eau. C’est en fait l’opération qui consiste à séparer les fines du sable, par rejet des fines à la mer au moment du transbordement du sable sur le chaland qui risque d’être la plus nocive pour le milieu. L’exploitation entraînera nécessairement une augmentation du phénomène d’eutrophisation. La zone d’extraction, bien que confinée, reste ouverte aux vents et aux courants, ce qui laisse envisager que les effets seront sensibles bien au-delà de la zone d’exploitation, en particulier sur le »Banc des Curieux », identifié comme une nurserie à poissons. Le rapport de l’Orstom précise bien que « la mise en suspension de particules fines rend l’eau trouble, fait baisser la luminosité au fond du lagon et diminue l’énergie disponible pour la photosynthèse, ce qui perturbe gravement la croissance et la reproduction des coraux et de l’ensemble de la flore et de la faune sous-marine ». A titre indicatif, si on prend en compte les hypothèses suivantes, fournies par A2EP et l’Orstom, à savoir :
- - Extraction de 100 000 m3 de sable/an
- - Poids volumique du sable saturé de 19,2 kN/m3
- - Pourcentage de fines de diamètre inférieur à 65 microns = 0,2% du poids
- - Pourcentage de fraction de fines de diamètre inférieur à 9 microns = plus de 50% du total des fines
On obtient une masse totale de fines de diamètre inférieur à 65 microns contenues dans le sable de 391 tonnes/ ce qui équivaut à 1950 kg de fines de diamètre inférieur à 9 microns susceptibles d’être mises en suspension par extraction de 1000 m3.
b) Destruction des récifs coralliens
Le « Banc des Curieux » a un rôle important de protection et de nurserie de juvéniles de poissons. Sa biomasse (528 gr/m2) est supérieure aux valeurs observées sur d'autre’ sites du lagon et cette différence est essentiellement due aux poissons de la famille des Acanthuridae, Lutjanidae et surtout aux Scanidés, dont l’importance économique et récréative est indéniable. Par ailleurs, on sait que la dissémination et le dépôt des particules fines sur les coraux provoqués par une éventuelle extraction de sable feront diminuer leur taux de croissance, réduiront à terme le nombre d’espèces de coraux et finiront par les étouffer par recouvrement. Etant donné le sens des courants, « le Banc des Curieux » serait de ce point de vue condamné.
A titre indicatif, toujours selon les données fournies par A2EP, on peut résumer la courantologie locale à 4 cas, qui sont les suivants :
Au jusant :
- - Pour des vents de vitesse inférieure à 12 nœuds, courant d’Ouest (vitesse 0,1 m/s)
- - Pour des vents de vitesse supérieure à 14 nœuds, courant du SE (vitesse 0,2 m/s)
Au flot :
- - Pour des vents de vitesse inférieure à 6 nœuds, courant de S (vitesse 0,1 m/s)
- - Pour des vents de vitesse supérieure à 12 nœuds, alizés d’Est, courant d’E (vitesse 0,2 à 0,4 nœuds)
On peut donc dresser le tableau suivant qui établit le risque d’atteinte de certaines zones du récif du Curieux exposées aux particules fines mises en suspension par l’extraction en fonction de la vitesse du courant, ( qui conditionne la distance parcourue par les particules) et sa direction.
Durée approximative du déplacement des particules fines en suspension entre le site d’exploitation jusqu’au Récif du Curieux en fonction de la direction et de la vitesse du courant.
Courant : (Direction, vitesse) |
Récif du Curieux | ||
Partie SE d = 600 à 800 m |
Partie NW d= 1000 m |
Partie proximale d= 400 m |
|
S (0,1 m/s) | t= 33 min | ||
E (0,2 – 0,4 m/s) | t= entre 41 et 83 min | ||
W (0,1 m/s) | t= entre 100 et 133 min |
||
SE (0,2m/s) | t= 83 min |
d= distance de la zone menacée au site d’exploitation
t= temps mis par les particules pour atteindre le Récif du Curieux
Le tableau montre que, quelle que soit la direction ou la force du vent, les courants engendrés entraîneront inévitablement une fraction des fines vers le Récif des Curieux. Enfin, si on considère (selon l’évaluation maximale) que l’ensemble ( cf 2a) des matières fines rejetées dans le milieu par année, c’est-à-dire 390 tonnes ( 3900 kg par jour d’extraction x 100 jours) soit environ 200 m3 de sédiments, elles entraîneraient la formation d’une couche de 1 m d’épaisseur sur une superficie de 200 m2 ou de 1 mm d’épaisseur sur une superficie de 200 000 m2.
c) Diminution du nombre des poissons
D’après l’étude de l’Orstom, ce ne sont pas seulement les coraux qui seraient affectés par les effets de l’exploitation de sable, mais l’ensemble de l’écosystème marin, en particulier la chaîne alimentaire des poissons : les herbiers, les éponges, les oursins, les coquillages, les crustacés, les organismes qui servent de nourriture ou de refuge aux poissons. Sur un site d’exploitation en Guadeloupe, on a observé la disparition de 20 des 29 espèces de poissons inventoriés sur le site après un an d’exploitation. Les conséquences prévisibles sont donc à la fois une diminution du nombre d’individus d’une espèce de poissons et du nombre d’espèces de poissons.
d) Une « flambée ciguatoxique »
Les scientifiques soulignent le risque probable d’une prolifération de l’algue unicellulaire benthique responsable de la gratte qui vit sur des algues dont se nourrissent les poissons herbivores. On connait bien en Nouvelle-Calédonie les risques de gratte qu’entraîne presque inéluctablement les bouleversements du milieu marin ( cyclone, construction de wharf, digues..)
e) Autres risques potentiels
- Explosion démographique des Acanthaster planci, grande dévoreuse de coraux
- Blanchissement du récif pouvant aboutir à la destruction totale de colonies coralliennes. On sait que l’élévation de la température de l’eau est un facteur du blanchissement des coraux en zone tropicale. Quand ce phénomène est cumulé avec d’autres facteurs, le risque est décuplé.
En conclusion : Des conséquences qui dépassent la zone d’extraction et la durée de l’exploitation. Le Rapport de l’Orstom cite l’exemple de l’atoll de Johnston dans le Pacifique Central où une exploitation de sable lagonaire a détruit la flore et la faune benthique sur les 440 hectares d’exploitation, et a affecté une zone de 2640 hectares, soit une surface 6 fois supérieure à la surface d’exploitation. Aux Bermudes, il a été démontré que la diminution de la quantité de coraux vivants dans la zone est la conséquence d’extraction ayant eu lieu 35 ans plus tôt. Au moment où l’on mise sur la mer pour développer le tourisme ou l’aquaculture peut-on raisonnablement prendre de tels risques ?
3. Analyse critique des mesures de protection
Etant donné les menaces que ce projet fait peser sur le milieu, il était légitime que les scientifiques préconisent des mesures de protection :
a) Les périodes d’exploitation
Le respect de périodes d’exploitation tenant compte des impératifs biologiques et météorologiques est une première mesure. Il s’agit notamment de la suspension de la campagne d’extraction durant la période de reproduction, de fixation larvaire, de croissance des juvéniles des espèces benthiques et récifales, c’est-à-dire de janvier à mai. L’exploitation pourrait donc se faire pendant 7 mois sur 12.
Par ailleurs, l’Orstom préconise que l’exploitation doit se faire dans des conditions de vent de plus de 15 nœuds. L’exploitant précise qu’avec des vents de plus de 20 nœuds, il ne pourra pas exploiter. La fourchette possible est donc de 15 à 20 nœuds. Les statistiques météo montrent qu’entre 5 heures et 17 heures, le pourcentage de vent entre 15 et 20 nœuds est de 29,7 %, soit un tiers du temps. Sur une durée journalière de 12 heures, l’exploitation peut fonctionner pendant 3 h 30 par jour en moyenne. (Voir la rose des vents du Phare Amédée) Il est à noter que le pourcentage de temps disponible pour l’exploitation, compte tenu des contraintes de force de vent tombe à 19% seulement, si l’on tient compte des directions de vent favorables à l’exploitation (entre 60° et 120°). Toutes les autres directions de vent contribueraient à déplacer les fines vers le Banc des Curieux, surtout au jusant. Compte tenu des weekends et des jours fériés, on peut se demander si le respect de ces contraintes de durée d’exploitation, restent compatibles avec les objectifs de l’entreprise.
b) Le rideau de protection géotextile
Si les scientifiques ont pu se prononcer valablement sur les mesures touchant la courantologie, les contraintes biologiques et météorologiques, on peut estimer qu’ils ont outrepassé leurs compétences à propos du rideau géotextile préconisé. Au départ, les géotextiles ont été conçus pour des usages précis. Le Comité Français des Géotextiles et des géo-membranes fait sur l’usage de ce matériel dans des conditions d’utilisation nouvelles, ce qui est le cas de l’extraction lagonaire de l’Ilot Ténia, des recommandations spéciales portant sur les critères de filtration, de drainage, d’édification, de stockage et de manutention. Il ne préconise le choix d’un géotextile pour la filtration qu’au terme d’un ensemble d’étapes essentiellement basées sur l’étude expérimentale, avec un cahier des charges, la définition des clauses et des recommandations, une définition détaillée de la méthode de pose, la surveillance durant la réalisation et le fonctionnement. La mise en œuvre d’un tel ouvrage suppose la réalisation d’une étude de faisabilité qui n’existe pas à ce jour. Sans vouloir anticiper sur une étude de faisabilité, on ne peut s’empêcher de se poser ces questions :
- Comment une structure souple sous conditions réelles peut-elle être maintenue en position dans le lagon et quels sont les moyens nécessaires pour son maintien ?
- Un rideau en arc de cercle, comme proposé par le Chalandage suffit-il à empêcher la dissémination de fines ou faut-il entourer l’ensemble de l’exploitation, comme cela est suggéré par l’Orstom ?
- Que se passe-t-il si on déplace le rideau et si les fines déposées sont remises en suspension ?
- Que se passe-t-il en cas de colmatage des pores du géotextile ?
- Peut-on nettoyer le géotextile, où, et dans quelles conditions ?
- Le géotextile est-il capable de résister à la force des courants et quelles infrastructures sont nécessaires pour son maintien ?
- Le géotextile proposé a des pores d’un diamètre de 110 microns. Comment un tel géotextile peut-il retenir des particules de 9 microns ?
L’utilisation du géotextile pour limiter l’impact de l’exploitation sur le milieu est une idée. En l’absence d’étude expérimentale, cette idée ne peut en aucun cas tenir lieu d’étude de faisabilité. (cf Délibération n° 78-91 APS du 10 décembre 1991)
c) Le suivi et les mesures de contrôle
Parmi les arguments cités par Le Chalandage en faveur de l’exploitation de sable lagonaire, figure le risque du développement de carrières sauvages. Or les carrières sauvages existent déjà. Cet exemple est en fait une illustration de précarité des moyens de contrôle. La dégradation par le bétail des plantations faites par Le Chalandage sur l’ilot Puen, destinées à réhabiliter le site est un autre exemple de cette précarité. Dans ces conditions de surveillance terrestre, quelles peuvent être les garanties de contrôle d’une exploitation sous-marine ? D’autant plus que les compétences ne semblent pas clairement établies concernant les instances chargées d’opérer ce suivi et ce contrôle.
d) Les mesures de réhabilitation du site
La surface de l’exploitation est de 40 hectares, mais on sait que l’impact dépassera largement cette surface. Si on n’envisage que la surface d’exploitation, il est probable que les cratères au fond du lagon vont se combler avec le temps. Par contre, les effets induits au-delà de l’exploitation, en particulier sur les récifs seront difficilement quantifiables et donc pratiquement pas réparables, puisqu’il s’agirait de reconstituer le milieu détruit en y transplantant des coraux, ce qui dans l’état actuel des recherches n’est pas envisageable. L’expérience des mines montre que la réhabilitation des dégâts causés par une exploitation n’est pas imposée dans le cahier de charges avant l’exploitation, elle restera à la charge des collectivités publiques, ce qui n’est pas conforme à la Délibération du 10 décembre 91.
Nous estimons que les mesures de protection envisagées ne sont pas à la hauteur des risques encourus par le milieu. Elles ne sont pas chiffrées et ne reposent sur aucune étude sérieuse de faisabilité. Cette lacune est à nos yeux, un obstacle majeur à la réalisation du projet.
4. Ambiguïtés des compétences
Nous avons pu constater un désaccord persistant entre le Service des Mines et le Chalandage sur l’identité du propriétaire du site. Selon le Service des Mines, la zone d’extraction appartiendrait « au domaine public maritime de l’Etat, géré par le Service Territorial des Domaines », conformément à la loi n° 71-1060 du 24 décembre 71, paru au JONC du 14 janvier 1972. Le Chalandage affirme par contre que l’exploitation prévue est située « sur le domaine de la Province Sud ». Quand les compétences ne sont pas clairement établies, on ne peut qu’être sceptique sur le suivi et les modalités de contrôle de l’exploitation.
Conclusion
Le lagon est un atout incontestable de développement, et comme d’autres ressources naturelles telles que la forêt primaire, il doit être rigoureusement protégé. Certaines activités comme le tourisme ou l’aquaculture sont incompatibles avec un environnement dégradé. Dans la perspective d’un développement à long terme, respectueux des ressources naturelles, nous ne pouvons qu’exprimer notre opposition à un projet dont les conséquences sur le milieu peuvent être irréversibles.
- Se connecter pour publier des commentaires