Le monstre antédiluvien du grand sud

no pipe !

Un premier dossier pour le même émissaire, avec un tracé différent, avait été instruit en octobre 2004, avec une enquête publique au 1er juin 2005. Son emprise sur le domaine public maritime de la Province Sud était alors de 3,5 km en mer. Maintenant elle serait de 20,8 km et 1282 ha en mer, ce qui permet, selon M. Brunetto de Goro Nickel, de « minimiser les impacts environnementaux », par rapport au précédent tracé.
Pourtant, à la page 20 du dossier d’enquête publique, l’assertion sur les inconvénients du nouveau tracé « augmentation des contraintes environnementales liées à la présence de corail et de pinacles » semble dire le contraire.
Par ailleurs, M. Brunetto affirme :

« après les études de la contre- expertise, la reconfiguration du diffuseur de 1 km de long avec des orifices verticaux espacés de 5 m a été préférée, vue l’innocuité de l’effluent rejeté… »

Diffuseur :

Au sujet du diffuseur, nous pensons que l’endroit choisi n’est pas du tout propice à la dilution et à la dispersion tant annoncées par Goro Nickel dans les médias car cet endroit est proche du point C de la carte SHOM : Canal de la Havannah, Port Boisé, Mouillage de Goro ( p. 71)
Les courants de marée moyenne n’y dépassent pas 0,7 nœuds et sont beaucoup plus lents encore par 35 à 45 m, profondeur déclarée du diffuseur. Selon RESCAN, la vitesse du courant entre 32 m et 8 m de profondeur passe du simple au triple, sans compter qu’à chaque étale ou renverse de marée, il n’y a pas de courant du tout. Les différentes projections de M. Roux et de ses collègues de la contre-expertise tablaient sur une densité des effluents de 994 à 1006 kg/ m3 et une température de 40 ° C. Maintenant Goro Nickel nous parle de 1060 kg/m3. Goro Nickel aurait-il l’intention d’y ajouter de l’eau de mer pour refroidir l’effluent et arriver aux normes françaises ?
« Cette pratique est interdite », écrivait le commissaire enquêteur E. Trombone. Quant à la température, elle n’est plus précisée. Toutefois, nous affirmons que les récifs coralliens sont sensibles à toute augmentation de température, aussi minime soit-elle. Elle se traduit par leur blanchissement, voire leur mort.
Avec les 200 trous verticaux de 40 mm de diamètre du diffuseur, l’effluent plus léger que l’eau de mer ambiante ( à 1026), peu miscible, plus chaud et chargé de solvants peu ou pas cités, va remonter à la surface selon un panache vertical tel que mentionné à la page 4 des projections de M. Roux, car les courants à 0,1 nœud à cet endroit sont d’une fréquence de 19%.
A la page 73, il est dit : « la commande vent est déterminante dans les eaux superficielles ». A la page 69, « les courants de surface sont liés directement à la direction du vent ». A la page 60, « de forts vent soufflant de l’ouest sont enregistrés en hiver et ce spécialement dans la partie Sud de l’Archipel ». La Réserve Merlet, à 6 km seulement du diffuseur, se trouve sous la menace directe des effluents de Goro Nickel. Le classement du lagon sud au Patrimoine mondial de l’UNESCO reste incertain. Par ailleurs, à la page 60, il est écrit que la partie sud de la Nouvelle-Calédonie a été touchée par 31 phénomènes tropicaux et 11 cyclones en 50 ans, soit une probabilité de 84% par an…

Innocuité :

Quant à l’innocuité des effluents liquides sur le milieu marin, on dit leur PH légèrement acide (6,5), comme si le corail avait besoin de ça. Ils seraient neutralisés et les métaux précipités par la station de traitement avant leur rejet dans le lagon. Toutefois le manganèse sort encore à 0,8 mg/l alors que la norme américaine maxi est de 0,1 mg/l, le chrome hexavalent est encore là malgré sa toxicité, avec les arsenic, chrome, plomb, cuivre, nickel, zinc, étain, mercure, fer, aluminium, cadmium et cobalt, tous plus cancérigènes les uns que les autres A la page 17, il est écrit : « la qualité chimique de l’effluent à la sortie du diffuseur est donc conforme aux valeurs limites de l’arrêté français du 2 février 1998 pour un rejet dans le milieu naturel ».
Nous affirmons notre opposition au rejet de ces effluents chargés notamment de solvants organiques et synthétiques, comme le Shellsol A 150 qui contient du naphtalène, le Cyanex 301, organophosphoré neurotoxique etc, s’ils ne sont pas traités spécifiquement. Tout dépend de la quantité rejetée de ces solvants très toxiques, mais nous n’avons aucune donnée. Dans tous les cas, il faut attendre les résultats de l’IRD, mandaté par Goro Nickel pour une étude sur la dispersion et les effets biologiques des effluents dans le lagon sud (débutée en 2007)
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Construction de l’émissaire

Dans la Grande Rade de Nouméa, à la pointe de Nouville, le stockage et la construction des tronçons de 500 m et le bétonnage des longueurs de 1000m empiètent déjà sur une zone de mouillage des navires. Le remorquage vers Prony de ces longueurs de 1000 m n’est pas sans présenter des risques. A la page 45, « Ces tronçons sont gonflés à l’air comprimé et peuvent couler en cas d’accident »
Le Canal Woodin, avec ses courants de marée de 5 nœuds aux deux extrémités sera un passage très délicat pour un attelage de 1000 m de long avec une vitesse de 4 nœuds maximum.
Les mouillages d’attente en baie de Prony par vent d’Ouest sont prévus sous le vent de l’Ilot Casy classé Réserve marine, ce qui est inconcevable, d’autant que l’inventaire de l’IRD sur les aiguilles géothermales n’est pas encore publié (p.112)

 

Tracé de l’émissaire

La longueur du tuyau va passer de 3,5 km à 20,8 km en mer. Les risques environnementaux seront multipliés d’autant. La route des navires du rail Nouméa-Canal de la Havannah passe le long du Cap N’doua, tout comme le tuyau…Tout mouillage devrait y être interdit (norme dans les chenaux). On ne peut pas exclure toutefois que pour ne pas dériver et s’abîmer sur la côte rocheuse par vent de SE, un navire n’ait d’autres solutions que de mouiller sur le tuyau en cas d’avarie machine.
Par ailleurs, la zone entre le Cap N’Doua et le récif Ioro est classée « moyenne à forte » quand à sa sensibilité environnementale (Soproner page 112). De même, les navires en manœuvre au Port de Prony croiseront le tuyau qui passe au nord immédiat du quai à conteneurs ou à charges lourdes et ces navires ne pourront guère utiliser leur ancre pour casser leur erre, lors d’approches mal négociées. La zone au SE qui jouxte le quai des minéraliers a été classée « site de grand intérêt et fortement sensible » en avril 2002 (page 78). La Baie de Prony avait fait l’unanimité quant à sa « valeur universelle exceptionnelle » selon Ecorégions/WWF local.
Début 2005, dans le cadre de l’enquête publique sur le précédent tracé du tuyau qui passait alors par la Baie Kwé, nous avions développé notre opposition. Qu’il nous soit permis d’en rappeler quelques points :
-    Il n’y a dans le dossier Goro Nickel aucune preuve que la finalité de cette occupation du Domaine public maritime soit d’intérêt général. Les retombées globales de l’usine seront faibles pour la Nouvelle-Calédonie, mais plus fortes pour les actionnaires privés. L’aliénation d’un Domaine public au principal bénéfice de particuliers n’est pas acceptable.
-    Les autorisations obtenues par Goro Nickel ne dédouanent pas l’industriel d’un accord de bon voisinage, reconnaissant ainsi l’identité kanak constitutionnalisée par l’Accord de Nouméa et confirmé en septembre dernier par la Déclaration de l’ONU sur les Droits des peuples autochtones.
-    Le but de l’attribution de cette partie du Domaine maritime étant d’accueillir un émissaire qui risque de contaminer durablement le milieu, en vertu du Principe de précaution, désormais inscrit dans la Constitution, nous exprimons notre opposition.
-    Le procédé hydro-métallurgique impose un usage d’eau très important de l’ordre de 2000 m3 par heure puisés dans le lac de Yaté. En Nouvelle-Calédonie, la ressource en eau mérite une gestion rigoureuse car elle conditionne de manière générale les équilibres naturels. Par un recyclage permanent de cette eau et un fonctionnement en circuit fermé, Goro Nickel éviterait une consommation énorme de cette eau douce et son rejet dans le lagon avec nombre de polluants. Un tel système n’est pas utopique, puisqu’il a été mis en place en 1998, à l’usine de Yabulu près de Townsville qui traite notre latérite par hydro-métallurgie sans rejet en mer. Supprimer ce tuyau particulièrement long serait la preuve indéniable que Goro nickel adopte les dernières technologies pour réduire l’impact environnemental en Nouvelle-Calédonie.
N.B. Nous avons sur ce point été partiellement entendus, puisque dans le nouveau dossier, il est écrit que 35 % des effluents liquides seront recyclés, pour retourner dans le processus de l’usine. Il n’est pas acceptable que le classement de la Réserve Merlet soit remis en cause, pour avoir subi un quelconque dommage consécutif à des activités humaines non complétement maîtrisées.

Conclusion :

-    Considérant la Directive européenne du 23/10/2000/60/CE transposée en droit français sur les quatre critères principaux d’une pollution, conditions réunies à la sortie du diffuseur, qui découlent d’une activité humaine, de concentrations et températures nettement supérieures aux niveaux du milieu marin rencontré ; de la présence de substances Xénobiotiques qui n’existent pas à l’état naturel ; de substances susceptibles de dysfonctionnement aux écosystèmes aquatiques concernés ;
-    Considérant le caractère de plus en plus précieux de l’eau douce, l’obligation à l’ile d’Ouvéa de dessaler de l’eau de mer pour en faire de l’eau douce ;
-    Considérant l’intention de Goro Nickel de faire l’inverse : de prendre de l’eau douce dans le lac de Yaté, qui d’ailleurs a été fait dans un autre but, et en faire un « polluant » à rejeter dans notre lagon ;
-    Action Biosphère confirme sa totale opposition au rejet dans le lagon d’effluents liquides dont la composition est sujette à caution, voire à Principe de précaution.

En juin 2006, à l’annulation de l’arrêté ICPE, J. Zweig de Goro Nickel, affirmait continuer la construction de l’usine à ses « risques et périls ». Nous écrivons et signons ici que les rejets seraient aux nôtres (risques et périls) et ceux de nos enfants.