Observations d’Action Biosphère dans le cadre de l’enquête publique
1. L’ISD de Boulouparis est un élément qui s’inscrit dans un plan de gestion global.
Les principaux processus de traitement des déchets ménagers actuellement en usage sont l’enfouissement, l’incinération ou le recyclage. En fonction de contraintes locales ou de choix politiques, c’est souvent une combinaison de 2 ou 3 de ces processus qui est retenue. Les agglomérations du Grand Nouméa ( Nouméa, Dumbéa, Paîta et le Mont- Dore) ont semble-t-il choisi de traiter leurs déchets, soit un volume annuel de 120 000 tonnes, en associant enfouissement et recyclage et en confiant cette mission à la CSP Onyx, société prestataire de service.
L’ISD de Boulouparis qui fait l’objet de la présente enquête s’inscrit dans un dispositif plus global, comprenant entre autres, le ramassage des ordures, leur tri sur une plate-forme à Ducos, leur transport en camion jusqu’à Boulouparis, l’organisation des filières pour les déchets non stockés à Boulouparis…
L’ISD peut donc être difficilement isolée du reste du dispositif, et les appréciations pour être pertinentes doivent nécessairement prendre en compte les autres éléments du projet de gestion proposés par Onyx et qui se trouvent exclus de la présente enquête, ce qui en limite la portée.
2. Le cadre juridique local
La réglementation métropolitaine, en matière de gestion des déchets est remise à jour assez régulièrement pour tenir compte de l’évolution des produits de consommation, de l’augmentation des volumes de déchets ou d’exigences nouvelles en matière de santé et d’environnement.
Probablement parce que la réglementation en Nouvelle-Calédonie n’a pas suivi cette évolution, le projet de la CSP Onyx s’appuie essentiellement sur des références métropolitaines ? On peut se demander si l’arrêté ministériel du 9 septembre 97 modifié en décembre 2001, relatif aux ISD est bien applicable en Nouvelle-Calédonie. Si ce n’est pas le cas, quelles garanties avons-nous, autres que les engagements de la CPS Onyx, que l’ISD de Boulouparis ne devienne un Centre d’Enfouissement comme Ducos ?
Une réactualisation de la réglementation locale en matière de gestion de déchets, fixant des règles pour l’enfouissement, en particulier la liste de produits interdits de stockage et des normes pour le recyclage, en particulier le pourcentage obligatoire de matériaux devant être recyclés, nous paraît nécessaire. Cette réglementation pourrait comporter des mesures dissuasives en cas de non -respect de ces dispositions.
En amont elle pourrait comporter des mesures incitatives pour les entreprises et les commerçants pour qu’ils remplacent leurs produits ou leurs emballages non recyclables par des produits revalorisables. Elle pourrait aussi comporter des mesures dissuasives, sous forme d’écotaxes pour l’utilisation de produits non recyclables. Pour financer les filières de recyclage, ne pourrions-nous pas bénéficier de fonds « écoemballages » ?
La gestion des déchets est, à priori de compétence municipale. Une gestion rationnelle des déchets pose toutefois de telles difficultés et entraîne des coûts si importants qu’une petite commune peut difficilement les supporter si elle veut échapper à l’archaïque décharge municipale. Une politique intercommunale ou mieux provinciale serait souhaitable, qui pourrait être définie dans le cadre d’un plan provincial de traitement des ordures, à l’image des plans départementaux en métropole, qui associeraient des élus, des experts, des prestataires de service et des représentants de la société civile par le biais de représentants d’associations.
3. Du Centre d’Enfouissement Technique à l’Installation de Stockage des Déchets
L’enfouissement des déchets est une technique relativement ancienne, c’est le principe amélioré des anciennes décharges que l’on souhaite voir disparaître précisément à cause des risques qu’elles représentent pour l’environnement et la santé. Parmi les inconvénients liés à ce mode de traitement : les odeurs, les feux incontrôlés, la prolifération d’animaux parasites. Le risque majeur vient de l’accumulation de matériaux très disparates, leur décomposition, leur dissolution, leur combinaison et la libération de substances toxiques dans l’atmosphère, dans les nappes phréatiques ou les eaux de ruissellement.
Ce risque est considérablement réduit si on fixe des catégories de déchets acceptables en ISD et si on en interdit d’autres, les déchets spéciaux : piles, batteries…et les déchets toxiques en quantité dispersée, conformément au projet de la CSP Onyx. Quelle quantité représentent-ils ? Comment seront-ils traités ? Quelles sont les filières de traitement ? A quel coût ? Qui va contrôler que ces déchets ne seront pas stockés à Boulouparis ? En cas de non- respect de cette mesure, quelle en serait la sanction, Le dossier soumis à enquête publique ne comporte que peu d’informations sur cette catégorie de déchets qui seraient réglementairement interdits de stockage à Boulouparis. Il aurait été rassurant d’avoir plus d’informations précises à ce sujet.
Si on ne veut pas que l’ISD de Boulouparis ressemble au CET de Ducos, il faut commencer par organiser la collecte des déchets, veiller soigneusement à ne pas les mélanger avec les autres déchets ménagers et organiser leur traitement en fonction de leur nature.
4. Les lixiviats
Les lixiviats résultant du stockage doivent être strictement contrôlés, récupérés et traités pour éviter toute contamination biologique ou chimique des nappes phréatiques ou des eaux de ruissellement, susceptible de porter préjudice aux exploitations agricoles ou aux élevages de crevettes de la région. Ce contrôle s’avère d’autant plus indispensable si les lixiviats traités doivent rentrer dans la production de compost. Le compost doit en effet être exempt de substances chimiques toxiques ou de métaux lourds, pour être utilisé par des particuliers dans leurs jardins.
La production de compost à partir des déchets verts ne peut qu’être encouragée. Elle ne doit pas être un simple effet d’annonce. Les déchets verts doivent effectivement être broyés et transformés en compost et non enfouis comme cela se fait encore à Ducos. Encore faut-il que le compost corresponde au cahier des charges de compost commercialisable et donc présenter toutes les garanties de non toxicité pour la santé et la nature.
5. Du tri au recyclage
La définition des catégories de déchets telle qu’elle est présentée dans le projet CSP Onyx est pertinente essentiellement dans la perspective du stockage. Elle est largement insuffisante si on envisage l’organisation de filières de tri et de recyclage de matériaux valorisables. Comment en effet étudier la faisabilité de ces filières sans avoir préalablement évalué les quantités ou les gisements disponibles de matériaux valorisables ? Cette lacune nous incite à penser que le tri et le recyclage ne font pas partie de leurs objectifs prioritaires. On peut même se demander s’ils ne sont pas évoqués dans un but purement promotionnel. Pour nous, au contraire, il est essentiel de planifier et de chiffrer les étapes de mise en place des filières de recyclage pour le traitement des déchets verts, du papier carton, du verre, de l’aluminium, des huiles usées, devant conduire à terme (10 à 15 ans), vers l’objectif zéro déchets. La production de méthane envisagée est intéressante. Elle doit être chiffrée et inscrite dans un calendrier.
6. A titre préventif, renforcer les moyens de lutte contre les feux
L’une des caractéristiques de la région de Boulouparis est son climat sec et sa pluviométrie faible. Si ce trait est un avantage pour le choix du lieu de l’ISD, il peut aussi représenter un risque accru à cause des feux de brousse qui ravagent tous les ans la commune. Un feu incontrôlé dans une aire de stockage de déchets est souvent difficile à maîtriser parce qu’il consume les déchets de l’intérieur, et que la combustion à basse température de certains déchets crée des gaz hautement toxiques (dioxines). De plus, un feu dans une alvéole peut gravement endommager les géo-membranes destinées à l’étanchéité des casiers. Tout feu à l’intérieur de l’ISD doit donc être absolument évité. Un renforcement des moyens de lutte contre les feux par convention avec la mairie pour les moyens terrestres et avec la Province pour l’hélicoptère bombardier d’eau pourrait s’avérer indispensable. (Nécessité d’avoir un Centre de Secours à Boulouparis)
7. Le choix de Boulouparis
Le choix de Boulouparis pour l’ISD présente des intérêts : faible pluviométrie, ce qui réduit la quantité potentielle de lixiviats, nature géologique du sol qui semble se prêter à la réalisation d’alvéoles étanches, distance appréciable des zones habitées…Il comporte aussi un inconvénient : il se trouve à une distance importante des principaux centres de production de déchets et nécessite donc un transport important en camions, avec toutes les nuisances inhérentes à ce mode de transport : pollution atmosphérique, perturbation de la circulation, gaspillage d’énergie et coût pour le consommateur en relation étroite avec le cours du pétrole…Un endroit plus proche de Nouméa serait préférable, par exemple à Païta, ce qui aurait l’avantage de réduire les nuisances liées au transport (coût, pollution, risques pour la circulation) La mise en place de filières de recyclage à Ducos et la réexpédition de matériaux valorisables (papier, carton, verre, métaux ferreux et non ferreux, huiles usagées…) vers des centres de recyclage en Australie, en Nouvelle Zélande ou dans des pays d’Asie, permettrait de réduire la quantité de déchets à stocker à Boulouparis.
Conclusion :
Pour les raisons évoquées plus haut, l’incinération est un procédé qui nous paraît être totalement à exclure. L’enfouissement n’est pas un processus d’avenir, car il constitue à terme un gaspillage important de matières valorisables.
Nous souhaitons, de la part des élus et de la société chargée du traitement des déchets, un engagement ferme et irréversible pour une politique de réduction des déchets à la source, un traitement des déchets par tri et recyclage, que cette évolution soit planifiée, à partir d’une évaluation chiffrée des quantités de matériaux valorisables, qu’un calendrier avec des échéances soit établi, que des études de faisabilité soient faites pour chaque filière et que les informations soient rendues accessibles au public, dans le cadre d’un plan provincial de gestion des déchets.
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