Observations d'Action Biosphère lors de l'enquête publique Vale NC Raffinerie & préparation du minerai

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Observations d’Action Biosphère dans le cadre de l’enquête publique pour la demande d’autorisation d’exploiter des installations classées : projet Goro Nickel : raffinerie, usine de préparation du minerai et centre industriel de la mine.
 

En l’espace d’un mois et demi, le public a été invité à donner son avis dans le cadre de 5 enquêtes publiques concernant le projet Goro Nickel et portant sur :

  • -    L’émissaire marin de l’effluent liquide dans la Baie de Prony et le Canal de la Havannah, 30 jours, du 25 septembre au 24 octobre 2007
  • -    La réalisation d’une aire récréative dédiée aux activités de bord de mer par la société Goro Nickel, sur le domaine public maritime, sis en Baie de Prony : 20 jours du 17 octobre au 5 novembre
  • -    La réalisation d’une station de pompage d’eau de mer et de bassins de sédimentation sur le domaine public maritime, sis en Baie de Prony : 20 jours du 17 octobre au 5 novembre 2007
  • -    L’exploitation d’une aire de stockage des résidus miniers dans la Kwé Ouest : 15 jours du 5 au 19 novembre 2007
  • -    Une usine de traitement de minerai – Baie Nord, une usine de préparation de minerai et un centre de maintenance de la mine sis Kwé Nord : 15 jours du 5 au 19 novembre 2007

La consultation du public pour ce type d’installation est réglementaire et constitue un indicateur de bonne gouvernance, sauf que l’ensemble représente plus de 15 000 pages, dont il appartient au public de prendre connaissance, afin de donner un avis.
Les deux derniers dossiers sont particulièrement importants puisqu’ils sont destinés à donner à l’industriel le sésame l’autorisant à exploiter ses installations. Sur le dossier concernant la raffinerie, l’usine de préparation du minerai et le centre de maintenance de la mine, voici nos observations :

I.    Sur la forme :

1.    La durée des enquêtes :


Compte tenu de la somme des informations, ( plus de 15000 pages ) de lecture parfois ardue, la durée légale de 15 jours, avec 15 jours supplémentaires de consultation n’est pas suffisante, d’autant que les dossiers ne sont consultables que pendant les jours ouvrables et à des horaires contraignants. Cette forme de consultation, même si elle correspond à des contraintes administratives n’est pas appropriée à ce type de dossier et n’est pas adaptée aux modes de communication océaniens. Il faut mettre à l’actif de l’industriel d’avoir fourni aux associations des DVD, permettant de travailler à domicile, sans contrainte horaire. Ces DVD n’ont toutefois été mis à notre disposition qu’à compter du 7 novembre, le jour même où le dossier a été accessible sur le site de l’industriel. On peut par ailleurs se demander s’il est légal que trois installations aussi différentes que l’unité de préparation de la pulpe, le centre de maintenance de la mine (tous deux constitutifs du Centre Industriel de la Mine) et l’usine de traitement du minerai fassent l’objet d’une seule et même enquête, alors que ces équipements sont implantés sur deux communes distinctes. On notera que l’usine de traitement, outre cette appellation est identifiée tout au long du dossier sous d’autres termes : raffinerie, usine de séparation des métaux…ce qui ne facilite pas la compréhension.
Les conditions dans lesquelles le public a pu consulter ce volumineux dossier ne répondent pas à l’exigence d’une information transparente et éclairée de la population.
Nous avons demandé à Monsieur le Commissaire enquêteur, oralement, en présence des média le 5 novembre à la Mairie du Mont-Dore d’intervenir pour que soit prolongée de deux mois la durée de l’enquête publique.
Nous réitérons ici cette requête.


 
2.     Quelles priorités ?


L’inscription des récifs coralliens au Patrimoine de l’UNESCO :
Il doit être un préalable à l’autorisation ICPE. On peut comprendre que l’opérateur industriel soit pressé d’obtenir l’autorisation d’exploiter, pour rentabiliser au plus vite son investissement. Il n’y a toutefois pas urgence, puisque de l’aveu même de GN, bon nombre d’études sont encore en cours et leurs résultats ne seront pas connus avant plusieurs mois. Il se trouve aussi que le Pays est engagé dans le projet d’inscription des récifs coralliens au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont on ne connaîtra l’issue qu’en juin 2OO8. Donner à l’industriel l’autorisation d’exploiter avant de connaître la réponse de l’UNESCO, c’est prendre le risque de voir le projet de classement refusé, ce qui serait pour l’ensemble du Pays un désaveu majeur en matière de gestion de l’environnement et la ruine de nombreuses activités potentielles de développement durable.
Le retrait de la Réserve Merlet de la zone Sud de l’inscription, à cause de sa proximité de l’usine et de ses conséquences éventuelles sur le milieu marin, ou à fortiori l’échec du classement des récifs au patrimoine de l’UNESCO, n’est pas acceptable.

Le schéma de mise en valeur des richesses minières :
Les enquêtes publiques portent sur des installations soumises à ICPE. La mine, qui a pourtant laissé dans le paysage depuis des dizaines d’années des traces indélébiles, échappe à cette réglementation et relève d’une réglementation obsolète, datant de 1954, qui aurait dû être mise à jour dans le cadre du schéma directeur des mines depuis 2004. Tout nouveau projet minier ou métallurgique au Nord comme au Sud, n’aurait dû voir le jour qu’après la définition du schéma directeur des mines et la réactualisation de la réglementation et de la police des mines.

II.    Sur le processus institutionnel

Le projet de Goro Nickel est le fruit d’une décision politique, largement consensuelle entre les autorités locales et de l’état, prise il y a plus de quinze ans, et d’une démarche qui a consisté depuis sa genèse à placer les citoyens devant le « fait accompli ». Alors que la construction de l’usine et du bassin de résidus est quasiment achevée, les enquêtes publiques sont l’illustration que la consultation du public n’est qu’une formalité administrative, qui ne peut avoir aucune répercussion significative sur le projet, pour ne pas dire un simulacre, une mascarade.
Dans le Comité de suivi environnemental de GN, présenté parfois comme une structure de concertation, ne siège aucune association environnementale hormis Rhébuu Nuu, qui est plutôt une association de défense des populations riveraines du Sud
Le 26/10/07, à l’occasion de son intervention à l’IRD, M.Lethier, expert chargé par la Province Sud d’évaluer le plan de sauvegarde de la biodiversité de GN avait évoqué une convention liant l’Etat à l’industriel, reposant principalement sur les principes suivants :

  • - se conformer à la réglementation calédonienne et métropolitaine
  • - se conformer aux engagements internationaux pris par la France
  • - informer les acteurs locaux
  • - fournir une évaluation environnementale globale
  • - mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles.

L’annulation de l’ICPE de 2004 par le tribunal administratif en 2006 pour lacunes en matière de protection de l’environnement montre bien que les conditions du contrat ne sont pas remplies. En toute logique, l’Etat aurait dû retirer la défiscalisation, ce qui n’a pas été fait. Comment considérer de ce fait les grands principes énoncés plus haut autrement que des intentions qui n’engagent que ceux qui y croient ?
Compte tenu des conflits que le projet a suscités, les affrontements parfois violents et les nombreux recours en justice, nous sommes assez éloignés de l’esprit de concertation qui aurait normalement dû inspirer les relations de l’industriel et des communautés locales et qui se trouve aujourd’hui énoncé explicitement dans la « Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » adopté depuis septembre 2007, particulièrement l’article 32 /2 : « Les Etats consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres ».
En conclusion du chapitre 8 sur les effets du projet sur l’environnement humain, on peut lire : « L’effet le plus important et le plus difficile à évaluer et à atténuer est l’impact sur la cohésion des communautés »…GN propose même « la mise en place d’une stratégie de gestion des impacts socio-économiques qui aidera à la résolution des conflits…. » en phase de fermeture. Nous pensons que cette phase aurait dû être un préalable, comme pour d’autres projets de ce type sous d’autres latitudes, au Canada par exemple…Cette stratégie aurait en effet pu permettre l’élaboration d’un cadre de négociation, laisser aux différentes parties concernées le temps de s’informer, d’analyser, d’évaluer, pour donner un avis éclairé et ouvrir un véritable espace de discussion contradictoire. Cette stratégie est évidemment aux antipodes des campagnes de communication coûteuses et mensongères que nous avons subies depuis plusieurs années.

 

III.    Sur le fond

1.    Le Sud calédonien ne convient pas à l’implantation d’une usine hydro métallurgique.

Avec une moyenne de précipitation comprise entre 1500 et 3000 mm /an, et des maxima journaliers très élevés ( 400 mm/ jour), le Sud Calédonien est une région où il pleut beaucoup et où l’érosion est intense, ce qui n’est pas sans poser de problème pour la gestion des eaux, de surface, mais aussi souterraines, car le Sud est aussi un véritable gruyère. Ce qu’on appelle le Plateau de Goro est en réalité un enchevêtrement de petites vallées et de montagnes donnant sur la mer, configuration très éloignée de ce qu’on peut trouver dans le désert australien, avec de vastes étendues arides, qui se prêtent probablement mieux à recevoir d’immenses bassins de résidus. Inévitablement le décapage des sols ne peut qu’accentuer l’érosion et donc la pollution des creeks et des baies préjudiciable à la biodiversité marine.
La nature des sols, combinée à cette pluviométrie abondante a généré une faune et une flore très particulières avec un taux d’endémisme remarquable, dont on est loin d’avoir inventorié tous les éléments. Ce n’est pas un hasard si, dans cette région on trouve autant de sites classés, comme la Réserve botanique de la Madeleine, La réserve de Forêt Nord, du Grand Kaori, du Cap N’Dua la réserve Merlet pour le milieu marin, la réserve de Prony, sans compter la Plaine des Lacs, qui aurait de l’avis de spécialistes dû être depuis longtemps classée Ramsar.
Compte tenu des dimensions de l’usine et de ses satellites, l’impact sur ce milieu très spécifique et fragile nous paraît difficilement évaluable, mais ne peut à long terme, qu’être désastreux, car pour reprendre les termes de M. Lethier, chargé par la Province Sud d’ expertiser le plan de sauvegarde de la biodiversité de GN, « c’est l’équilibre général qui garantit la pérennité des espèces ». Monsieur Richer de Forges, chercheur à l’IRD avait alerté, par une lettre ouverte datée du 22 mars 2OO7,( copie jointe), sur les graves menaces d’extinction d’espèces, strictement inféodées aux terrains latéritiques et l’impérieuse nécessité de tout mettre en œuvre pour les protéger. Une extinction d’espèce est en effet irréversible et nous ne sommes pas convaincus de la compatibilité de l’usine avec cet impératif de préservation de la biodiversité.

2.    Quels effets sur le milieu naturel ?


Dans son étude, GN analyse les effets du projet sur 6 éléments importants de l’environnement ( EIE), l’environnement atmosphérique, les eaux douces et leurs écosystèmes, les eaux souterraines, les eaux marines et côtières et leurs écosystèmes, les écosystèmes terrestres et l’environnement humain.

a.    L’environnement atmosphérique


Les critères de référence pour les rejets atmosphériques s’appuient sur l’Arrêté ministériel modifié du 20 juin 2002 relatif aux chaudières supérieures à 20MWth.
Selon GN, les valeurs réglementaires sont devenues plus restrictives en métropole depuis novembre 2004, cependant ces évolutions n’ont pas été traduites dans la réglementation calédonienne. Donc les rejets atmosphériques de GN en particulier ceux de la centrale au fioul lourd sont-ils conformes aux dernières normes en vigueur en métropole ?
Même si les émissions de composés acides SO2 – Nox – H2 SO4- HCI sont très inférieures, avec 5700 t/an, à ceux de Doniambo ( 20 796 t/an de SO2), elles s’additionnent et contribueront un peu plus à l’acidification des pluies et des sols.
En affichant son intention de remplacer éventuellement les procédés mis en œuvre par de meilleures technologies disponibles à un coût économiquement acceptable, GN ne prend pas de risque, étant seule à évaluer ce qui pour elle est économiquement acceptable.
Pour ce qui est du rejet de CO2, GN affirme ne contribuer avec 568 000 t/ an hors Prony Energie, qu’à 0,15% des émissions totales de CO2 pour l’Océanie, Australie et NZ inclus, ce qui est relativement faible par rapport à Doniambo, avec 1 957 888 t/ an. Il convient malgré tout d’ajouter les rejets de Prony Energie, indispensable au fonctionnement de GN, ce qui correspond à une quantité totale non négligeable.
Si on considère les rejets de CO2 comme une cause majeure d’acidification des océans et surtout de perturbations climatiques, avec les nuisances et les coûts qu’on commence à mesurer, ne serait-il pas normal, en vertu du principe « pollueur / payeur », que ces rejets fassent l’objet d’une compensation, même si on ne peut invoquer en NC le Protocole de Kyoto ? GN pourrait par exemple financer des chantiers de reboisement en compensation des quantités de CO2 dégagées. Ce principe vaut également pour les autres industries métallurgiques ou centrales thermiques existantes, comme Doniambo ou Népoui, ou en projet : Prony 2, la future centrale thermique de Doniambo et celle de Koniambo.
Comme le signale GN, la qualité de l’air peut aussi être altérée par l’envol de poussières lié au stockage de matériaux en vrac, comme le soufre, le charbon ou le calcaire…La possibilité de stocker ces matériaux sous abri a-t-elle été étudiée ?
Peu d’informations sont disponibles sur le rejet de dioxines ou de furanes, qui sont pourtant de redoutables polluants.
L’affirmation de GN « Il est peu probable que les effets résiduels de l’usine en phase d’exploitation s’ajoutent à ceux de la fonderie de la SLN » nous laisse quelque peu sceptique, précisément parce que Nouméa se trouve sous le vent régnant de GN.


 
b.    Les eaux douces et leurs écosystèmes

Les conditions naturelles d’écoulement des eaux se trouveront fortement modifiées par la raffinerie, le centre industriel et l’ensemble des installations soit par le décapage des sols ou leur imperméabilisation. Les bâtiments ne représentent qu’un faible pourcentage de la surface totale des bassins versants, mais en période de forte dépression ou de cyclone, les volumes d’eau peuvent être considérables et les ouvrages de drainage, les bassins de décantation doivent être conçus pour reprendre l’expression de GN dans les « règles de l’art ». Cela n’a semble-t-il pas toujours été le cas puisque l’une des enquêtes citées portait précisément sur le réaménagement de bassins de sédimentation, et qu’il y un an environ un grand effondrement a eu lieu à cause de fortes précipitations.
Comme en témoignent les anciens travaux de prospection ou d’exploitation minière, l’érosion peut se révéler catastrophique pour les cours d’eau ou le milieu marin. Il suffit pour s’en persuader de visiter la décharge Wellington à Thio ou la tribu d’Ouroué qui a dû être déplacée à cause des coulées de boues rouges.
Un inventaire, dans le Creek de la Baie Nord, a permis d’identifier la présence de 31 espèces de poissons dont 4 endémiques et 2 inscrites sur la liste rouge UICN. Ce creek nous paraît particulièrement menacé. Il reçoit les rejets de la station d’épuration de la base vie jusqu’à 700 m3/jour, soit 25 % du débit d’étiage, auxquels il faut ajouter les effluents de Prony Energie, évalués à 55 m3 / h par flux continu, plus les rejets venant des purges de refroidissement. De plus la température des rejets peut s’élever à 35° C, ce qui est hors norme. Comme cela ne suffisait pas, on y rejette en plus les eaux vannes de la raffinerie, traitées dans la station d’épuration de la base vie, manœuvre qui nous paraît peu orthodoxe.
 Quel crédit accorder dans ces conditions au suivi biotique montrant que la qualité varie de « bonne à passable » et que les effluents ne « devraient pas entraîner d’impacts significatifs sur les poissons » ? Quel plan de conservation de ces espèces GN a-t-il mis en place pour garantir leur survie, s’ils n’ont pas déjà tous disparu ?
Pour la Kwé, où on a recensé 18 espèces de poissons dont 2 espèces endémiques et 2 classées UICN, la situation n’est guère plus reluisante. Evaluer comme le fait GN, que l’impact résiduel est mineur ou modéré n’est pas acceptable, puisqu’il y va de la survie d’espèces et que leur extinction serait irréversible et irait à l’encontre des résolutions prises par le gouvernement français en matière de conservation de la biodiversité en outre mer. Ce n’est pas le plan de suivi annuel qui va enrayer leur extinction.
A propos des déchets, en particulier ceux qui seront stockés dans la Kwé Ouest, mais également les autres, il n’est pas inutile de rappeler la Directive 2006/12/CE du Parlement Européen du 5 avril 2006 relative aux déchets qui stipule, Article 4-1 : « Les états membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter atteinte à l’environnement, notamment :
- sans créer de risques pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore
- sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.
Evidemment, la NC n’est pas un Etat membre, mais GN se targue d’appliquer la réglementation la plus stricte. Alors pourquoi la forêt S2, contenant selon l’IAC des espèces endémiques rares sera-t-elle partiellement amputée ?

 
c.    Les eaux souterraines


Le Sud regorge de creek, de dolines, de sources et de résurgences qui témoignent de l’importance des réseaux d’eau souterraine. Actuellement ces eaux ne servent pas à la consommation humaine. Considérer de ce fait, comme le fait GN, que leur altération constituerait un impact « faible » est un raccourci que nous ne suivrons pas. L’eau de bonne qualité est une denrée suffisamment rare pour qu’on la préserve là où elle se trouve. Dans cette perspective, même si l’impact écologique du pompage de l’eau dans le Lac de Yaté est limité, la quantité d’eau douce (55 000 M3/ an ) reste considérable, puisqu’elle représente la quantité consommée par la ville de Nouméa
. Il n’y a pas que les hommes qui ont besoin d’une eau de qualité et GN se dispense un peu rapidement d’une étude sur l’impact de l’altération des eaux souterraines sur la santé. D’autant plus que les risques de pollution sont nombreuses : stockage de produits dangereux, déversements accidentels, infiltration, contamination par les déchets ou les eaux usées….
GN affirme que les déchets de construction seront collectés et éliminés sur place dans des aires de stockage étanches, conformément à la réglementation calédonienne. Cette procédure, qui consiste à gérer sur le chantier même ses déchets, est-elle réglementaire ? De plus, la référence à la réglementation calédonienne n’est pas de nature à rassurer, sachant comment les déchets sont gérés en Nouvelle-Calédonie. GN reconnaît par ailleurs la faiblesse de la réglementation calédonienne. Elle se trouve confirmée par l’assertion : « la gestion des déchets sera conforme à la réglementation calédonienne et prendra en compte les exigences de de la réglementation métropolitaine inspirée des directives européennes, dans la mesure où ces exigences sont compatibles avec celles de la NC. Cette ambiguïté ouvre la porte à des interprétations qui rendra toute application aléatoire.
GN assure réaliser, dans de nombreux domaines, les contrôles de conformité aux normes par le Service Environnement et Permis, interne à son entreprise, ce qui ne garantit aucune fiabilité, ni impartialité en vertu du principe « On ne peut être à la fois juge et partie ». Ces contrôles devraient être effectués par un organisme indépendant et agrée, conformément aux procédures « qualité » qui devraient être en usage pour pareil projet.
Même si le point suivant déborde le cadre stricte de la présente enquête, nous tenons ici à exprimer nos plus vives inquiétudes à propos des eaux souterraines de la mine. Les fosses minières d’où seront extraites les latérites se situent dans le bassin de Kwé, à plusieurs dizaines de mètres au-dessous de niveau de la Plaine des Lacs. Nous n’avons à ce jour aucune garantie que ses eaux souterraines et de surface ne communiquent pas avec les fosses minières, ce qui pourrait entraîner un assèchement progressif de la Plaine des Lacs, avec les conséquences irréversibles sur les écosystèmes, la faune et la flore de ce site exceptionnel. Nous demandons qu’une étude indépendante et approfondie soit réalisée sur ce point, préalablement à toute autorisation d’exploiter et la suspension de tous travaux en cours jusqu’au terme de cette étude.
 


d.    Les eaux marines et côtières et leurs écosystèmes


La mer et le lagon sont, pour la Nouvelle-Calédonie des atouts majeurs économiques, touristiques, à haute valeur culturelle, puisque des clans y puisent leur identité. Certains sites dans le Sud sont particulièrement remarquables, comme la Réserve Merlet, première réserve marine intégrale du Pays, d’une superficie de 17200 ha, et à ce titre véritable sanctuaire, et la Baie de Prony, où on vient de découvrir des concrétions dues aux résurgences d’eau chaude autour desquelles se développent de nombreuses espèces non encore étudiées. De plus les récifs calédoniens et écosystèmes associés font actuellement l’objet d’une demande, véritable projet de Pays englobant les 3 Provinces, d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.
    C’est dans ce contexte que Goro Nickel envisage de rejeter les effluents provenant de son site industriel, d’eaux de ruissellement, l’exhaure du parc à résidus de la Kwé Ouest, à 40° C, ce qui ne correspond pas aux normes de l’arrêté ministériel du 2-2-95, sur les rejets en milieu naturel.
Selon l’industriel, la composition de l’effluent varie car elle est étroitement liée au mode de fonctionnement de la raffinerie, dépendant lui-même de la composition du minerai plus ou moins riche en métaux. C’est dire qu’il y a des périodes de pic qui peuvent être fortement préjudiciable. Nous espérons que cette variation ne sera pas due aussi au degré de dilution de l’effluent, avec l’eau de mer qui sera pompée au port, pour en rapprocher la composition au moins en apparence à celle de l’eau de mer.
Il faut admettre que le débit des rejets et leur teneur en métaux a sensiblement diminué, entre l’arrêté ICPE 2004 et le présent dossier, grâce au recyclage d’une partie des effluents et l’adoption de procédés de réduction de certains métaux comme le manganèse qui est passé de 100 à 0,3 à 0,8 mg/l. contrairement à ce que Goro Nickel affirmait il y environ un an, la possibilité de réduire le manganèse existait bien sans mettre en péril le projet, en y mettant les moyens. Ce qui montre aussi que l’industriel n’avait pas mis en œuvre à l’époque les meilleures techniques disponibles, contrairement à ses engagements. Il ne demeure pas moins que les rejets contiennent encore des quantités non négligeables, même si elles sont conformes aux normes françaises, de l’aluminium, du cobalt, du chrome, dont le chrome 6, du fer, du nickel, du cyanure, du mercure, du plomb, de l’étain etc…
Au regard des critères ANZECC, le cobalt présente un indice de risque supérieur à la norme ( 6 – 28) largement à 1. L’industriel met en cause la valeur seuil de l’ANZECC pour le cobalt, en jugeant que « les données utilisées pour son établissement sont probablement inadéquates » et un peu plus loin : « le risque pour l’environnement sera négligeable ». L’argumentation ne nous parait pas recevable. Il s’agit de caractériser le risque, d’en évaluer l’ampleur et de prouver que le risque est négligeable.
A propos du chrome, GN affirme : « Dans le Rapport de la contre expertise, seule la concentration en chrome total dans l’effluent était disponible. Par précaution, la totalité de cette concentration était assimilée à du chrome 6. Depuis, le groupe chargé de la recherche pour GN a réussi à déterminer en labo la part de chrome 6 dans la concentration de chrome total, de 10 à 40 µg/l de chrome 6 pour une concentration de 20 à 100µg/l de chrome total, ce qui diminue l’indice de risque. Cela ressemble à s’y méprendre à un jeu d’écriture. Comment vérifier la fiabilité de ces données ?
Même si les quantités par litre sont infinitésimales, il est permis de douter de leur innocuité compte du débit des rejets : de 1260 à 3050 m3/h soit un débit moyen annuel de 11 037 600 m3, pendant au moins 30 ans ! On observera également qu’il n’est pas tenu compte dans les études des combinaisons possibles entre ces métaux et autres substances. De plus, il n’est nulle part mentionné la présence de solvants qui entrent pourtant dans le procédé et qui ne seront probablement pas tous récupérés avant rejet.
Goro Nickel a demandé à l’IRD de réaliser une étude complémentaire sur le comportement, la dispersion et les effets biologiques des effluents dans le lagon sud. Cette étude débutée en 2007 comprend plusieurs volets et notamment un volet caractérisant les sédiments de la zone Havannah- Prony- Woodin. Apparemment elle n’est pas achevée. Est-il conforme au principe de précaution d’accorder une autorisation de fonctionner, alors que des études sont encore en cours ?
A propos de l’émissaire, nous avons déjà exprimé nos observations dans le cadre d’une précédente enquête, que nous nous permettons de joindre en annexe 2.
Prony est aussi un site de vélage des baleines. Vont-elles s’adapter au trafic maritime qui va se développer dans la région et ne seront-elles pas perturbées au point de déserter définitivement ce site, ce qui constituerait sur le plan culturel une perte non compensable.
 


e.    Le milieu terrestre


Qu’il s’agisse de flore ou de faune, les études sur la région du Grand Sud, couvrant 67 000 ha font état d’un grand nombre d’espèces recensées : 547 espèces de flore, 70 espèces rares, dont 14 espèces gravement menacées. A noter que le pourcentage de zones humides étudiées est relativement faible.
Dans le secteur du site industriel, 13 espèces rares sont recensées dont 2 gravement menacées : Araucaria nemorosa et Kentiopsis pyriformis. Dans le secteur du site industriel de la mine : 7 espèces rares dont 2 gravement menacées d’extinction : Gmelina lignum vitrum et Rauvolfia sevenetii
Pour la faune, le nombre d’espèces est également relativement élevé avec 32 espèces d’oiseaux recensés dont 12 endémiques soit 37,5%, 39 espèces de poissons d’eau douce dont 5 espèces endémiques et 4 espèces menacées…C’est dire l’intérêt de la région en matière de biodiversité, et d’espèces en danger.
Nous notons que la plupart des inventaires datent des années 2000 à 2005…alors que l’usine pilote existait déjà. Comment se fait-il que ces inventaires sur le terrain n’aient pas été réalisés avant ?
Goro Nickel reconnaît d’ailleurs : « Compte tenu des travaux déjà engagés, les secteurs du Grand sud devant servir d’assise aux unités de production ont déjà été tout ou partie décapés », au moment des études. A propos de la faune, on peut lire également : « Les données collectées sur la faune de la région Sud de NC et de la région de Goro caractérisent l’état initial et l’état actuel de la zone du projet lorsque les inventaires ont été réalisés postérieurement au démarrage des travaux ». Dès lors on peut se demander quelle valeur accorder à cet état initial, qui n’en n’est pas ? Nous nous trouvons aujourd’hui dans l’incapacité de savoir, comme l’a reconnu Monsieur Lethier, s’il y a eu sur le site, extinction d’espèces ou pas. On peut aussi s’interroger sur les plans de conservation qui auraient dus être mis en place depuis plus de dix ans, et l’évaluation de leurs résultats.
La pépinière, mise en place par Goro Nickel compte 45 000 plans, avec un objectif annoncé de 260 000 plans, loin du million de plans annoncé dans les médias.
A noter aussi que sur 547 espèces recensées dans le Grand sud, 245 espèces de plantes vasculaires, dont 229 endémiques dans la zone, les botanistes ne maîtrisent la reproduction en pépinière que de 176 espèces, et selon les informations dont nous disposons, les essais de bouturage par l’IAC de certaines espèces ne se font pas sans difficulté.
Le plan de revégétalisation selon Goro Nickel « a l’ambition de limiter entre autre l’érosion des sols due aux activités industrielles et minières…et de développer des techniques de revégétalisation adaptées et viables à l’échelle industrielle ».
La revégétalisation à partir de plantes endémiques est-elle « viable à l’échelle industrielle » ? et Goro Nickel n’envisage-t-elle pas de revégétaliser avec des espèces exogènes, ce qui pourrait constituer une catastrophe écologique majeure pour les écosystèmes autochtones ?
Compte tenu des quantités de matériaux importés, charbon, calcaire, soufre, le risque d’introduction d’espèces de faune exogène est très élevé. Quelles mesures concrètes l’industriel compte-t-il prendre préventivement ? Quelles mesures prendrait-il si cela devait se produire ?
Toutes les espèces de faune et de flore, reconnues vulnérables ou en danger, font-elles l’objet d’un plan de conservation, fondé sur les échelles de fonctionnalité des populations ?
Nous demandons que les plans de suivi de la faune et de la flore soient contractualisés, avec des obligations de résultats, accompagnés d’annexes financières pour ne pas nous retrouver en situation d’irréversibilité, pour reprendre les termes de M. Lethier.

 

f.    L’environnement humain


Nous partageons l’avis de Goro Nickel qui considère :
« L’afflux d’argent chez certains peut provoquer des difficultés pour maintenir les principes coutumiers de réciprocité et l’équilibre économique qui sont ancrés dans la coutume… »
Par leur proximité avec Nouméa, les populations du sud ne sont pas étrangères à l’urbanisation et au fonctionnement de la société occidentale. La vie traditionnelle et rurale y demeurent toutefois vivace, et le projet risque de d’accentuer un éclatement des relations familiales et coutumières avec son cortèges de fléaux comme l’alcoolisme, les phénomènes d’exclusion…induisant des coûts pour la collectivité. Tout comme le nécessaire développement d’infrastructures ( routes…), d’équipements collectifs et de services publics. Le coût de ces charges ont-ils été évalués ?
Pour les besoins de son usine Goro Nickel envisage l’installation près du site de personnes externes à la région, pour lesquelles, elle préconise un site d’hébergement : la Madeleine, pour 50 familles. Compte tenu de la proximité de la Réserve botanique et du caractère spécifique du site, nous tenons à exprimer notre plus vive opposition à ce projet d’implantation humaine à cet endroit.

 

3.    Un processus chimique non éprouvé

 

Le projet GN repose sur un procédé industriel innovant, ce qui n’est pas rédhibitoire en soit, à condition que nous ne servions pas de cobayes. La finalité de l’usine pilote était de tester la faisabilité technique et économique du projet, en aucune façon d’évaluer les impacts environnementaux du projet commercial. D’autres usines hydro métallurgiques existent de par le monde, dans des endroits peut-être plus propices, comme le désert australien, mais leur fonctionnement semble à la limite du seuil de rentabilité, selon les cours du nickel.
Pour GN, on a peut-être oublié (ou occulté) qu’il s’agit avant tout d’une usine chimique. Elle utilise certes de l’acide et du calcaire pour neutraliser l’acide, mais aussi des solvants. Peu d’informations sont disponibles sur ce sujet, notamment les caractéristiques de certains solvants, ni les modalités de neutralisation ou d’évacuation en fin de vie. Compte tenus de la dangerosité potentielle de ce type de produits, nous demandons que tous les études nécessaires soient faites garantissant leur innocuité.

 
4.    L’étude de risques


L’analyse de risques comporte 12 scénarios considérés comme les plus dangereux. La Directive Sévéso 2 exige l’élaboration de plans de secours :
POI : Plan d’opérations Internes
PPI : Plan particulier d’intervention.
Pourquoi ces plans ne sont-ils pas joints au dossier ?
Une information préventive des populations concernées doit être organisée. Le personnel et les populations riveraines ont-ils été informés des risques de l’usine et des plans à mettre en œuvre en cas de catastrophe ?
Une usine dont le cœur est constitué de réacteurs chimiques : 3 autoclaves de 270 m3, fonctionnant à 27O° contenant de l’acide sulfurique concentré sous une pression supérieure à 50 bars, véritable bombes potentielles, peut-elle fonctionner en l’absence en Nouvelle-Calédonie d’un centre de soin des grands brûlés ?
Le risque sismique, qu’on ne peut totalement exclure a-t-il été pris en compte et quel plan de secours est-il proposé ?

 


IV.    Un projet qui ne s’inscrit pas dans une logique de développement durable

 

Considérant la définition que l’on donne le plus souvent du développement durable: « Ce qui permet de répondre aux besoins des générations présentes sans pour autant mettre en péril la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins »
Et les 4 piliers reconnus pour en être le soubassement :

  • -    le respect de l’environnement
  • -    la rentabilité économique
  • -    une répartition équitable des bénéfices
  • -    la bonne gouvernance,


Considérant que :

  • -    Ce projet aura sur l’environnement des impacts négatifs considérable, durables et probablement irréversibles
  • -    Son activité repose sur l’exploitation d’une ressource non renouvelable : la latérite
  • -    Les retombées pour le Pays seront minimes par rapport aux profits escomptés, notamment à cause de la défiscalisation et la détention de 5% seulement des actions par les 3 Provinces
  • -    Les retombées ne permettront pas de développer d’autres activités touristiques ou agricoles, qui seraient « durables » et qu’à aucun moment n’a été posée la question de l’après Goro
  • -    Les bénéfices seront très inégalement répartis, surtout entre les actionnaires et que cela générera frustration et exclusion sociale
  • -    Le projet a été imposé sans véritable concertation ni information objective des populations
  • -    Il ne contribue pas au rééquilibrage du Pays inscrit dans l’Accord de Nouméa et il risuqe au contraire d’ accentuer son déséquilibre


Nous estimons que le projet Goro Nickel ne s’inscrit pas dans une logique de développement durable.

 

    Conclusion :


Pour éviter des situations que le Pays a connues avec d’autres exploitations minières, à Thio ou ailleurs, il aurait fallu préalablement se poser la question : après l’exploitation, que va-t-il rester au Pays et à ses populations ?
Si l’activité minière et métallurgique et l’exploitation du nickel ne contribuent pas de façon décisive à créer des activités alternatives durables, améliorer pour tous de la qualité de la vie, permettre une meilleure répartition des richesses, alors, compte tenu des impacts environnementaux et sociaux, peut-être que le jeu n’en vaut pas la chandelle.