Projet de modification du code de l’environnement de la province sud

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Notou

Le Notou

La Province Sud a procédé récemment à une consultation publique sur un projet de modification du code de l’environnement à laquelle a participé notre association. Certains chapitres ont particulièrement attiré notre attention :

1.    Dispositions relatives aux aires protégées.

Les catégories d’aires protégées : Pour donner un avis pertinent à propos des aires protégées il convient d’avoir à l’esprit la définition de chacune des catégories d’aires protégées qui figurent dans le code de l’environnement. La Province sud distingue 4 catégories d’aires protégées, marines ou terrestres :  - les réserves naturelles intégrales (RNI) – les réserves naturelles – les aires de gestion durable des ressources (AGDR) – les parcs provinciaux. La protection de la nature nécessite une approche globale qui ne correspond pas nécessairement aux limites provinciales découlant d’une vision politique du Pays. Dans cette perspective, nous considérons que la modernisation du code de l’environnement aurait pu porter sur une harmonisation des catégories des aires protégées de la Province sud avec celles  de la Province Nord et des Iles en cohérences avec les catégories IUCN qui font référence à l’international.

Le récif Ricaudy : En 2019, il avait été autorisé par dérogation, la pêche à pied ou à la gaule sur le récif Ricaudy. Aujourd’hui la Province envisage de supprimer cette dérogation et d’y interdire à nouveau cette pêche. Est-ce bien cohérent ? Ce type de mesure ne peut être prise que sur la base d’un état des lieux, une étude d’impact avec une évaluation des stocks. Est-ce le cas ?  

Le Parc de la Dumbéa:  Dans la réglementation applicable au Parc, on lit : «  Sont interdits sur toute l’étendue du Parc de la Dumbéa les actes ou activités de nature à nuire ou à apporter des perturbations à la faune ou à la flore ou aux habitats… »Qu’en est-il des nuisances sonores imputables au bruit que génèrent les armes à feu en provenance du stand de tir qui perturbent presque quotidiennement la tranquillité de la vallée et donc du parc ?

2.    Dispositions relatives à la protection des espèces endémiques rares ou menacées.

Poissons marins - les requins : Figurent sur la liste des espèces protégées, tous genres de Sélachimorpha, toutes espèces à l’exception des requins tigres et des requins bouledogues ou requins du Zambèze. C’est typiquement un exemple qui nous pousse à demander une harmonisation de la réglementation avec les Provinces Nord et Iles, qui les classent en espèces protégées. A noter que l’UICN les range parmi les espèces quasi menacées. Par ailleurs, nous sommes favorables au classement du perroquet à bosse, compte tenu de la vulnérabilité de cette espèce.   

3.    Dispositions relatives à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.

Le rhinocéros du cocotier : Nous constatons l’absence de toute mention concernant le rhinocéros du cocotier qui sévit pourtant dans la région de Tontouta, Tamoa et Tomo et déplorons qu’aucune mesure visant à éradiquer ce ravageur n’est prévue dans le projet de modification du code de l’environnement. S’agit-il d’un oubli ?

4.      Dispositions relatives à la chasse.

Le carnet de chasse : Le projet de réglementation instaure pour les chasseurs un « carnet » qui doit être rempli au moment du prélèvement et présenté à toute réquisition. Nous avons quelques doutes sur la possibilité de contrôle du carnet de chasse.

La chasse du notou et des roussettes : La chasse aux notous et aux roussettes porte gravement atteinte aux forêts primaires   Nous sommes donc opposés au passage de 5 à 10 notous et 10 roussettes prélevées par jour, ainsi qu’à l’augmentation de la durée de chasse à 3 mois. En augmentant la durée de la chasse, il y aura nécessairement une augmentation du nombre de chasseurs et donc une atteinte plus importante des stocks. Pour le choix des périodes d’ouverture de la chasse aux notous et aux roussettes il est essentiel de prendre en compte leur cycle de reproduction. Si on choisit des mois différents pour les roussettes et les notous, il n’y aurait que 2 mois de contrôle.  A noter en outre qu’on trouve en Nouvelle Calédonie 4 espèces de roussettes dont 3 endémiques classées par l’UICN sur la liste des espèces menacées d’extinction. Dans l’interdiction, il n’est pas tenu compte de la distinction entre la roussette à queue et la roussette des roches qui sont protégées et les autres espèces.

Les espèces nuisibles : Plutôt que d’assouplir la réglementation de la chasse aux notous et aux roussettes, il nous semblerait plus judicieux de réduire de façon drastique les populations de chats, de cerfs ou de cochons et d’en enrayer la prolifération. De façon plus générale, toute intervention sur un écosystème exige préalablement une étude sérieuse de dynamique des populations. 

Le cormoran : A notre connaissance, on trouve en Nouvelle Calédonie deux espèces de cormorans, le cormoran pie et le cormoran noir qui nous vient d’Australie, qu’il convient de distinguer. Il se peut qu’ils viennent se nourrir momentanément dans les parcs à crevettes. Nous considérons que ce n’est pas un motif suffisant pour l’inscrire sur la liste des espèces nuisibles. A notre sens, ces espèces pourraient à la rigueur relever de l’article 333- 12, portant sur les espèces nuisibles temporairement et géographiquement qui sont susceptibles de faire l’objet d’une régulation conformément aux dispositions prévues, à savoir :  « Tous les animaux sauvages peuvent être déclarées espèces animales nuisibles temporairement par délibération du Bureau de l’assemblée de province pour l’un des motifs ci-après :
1° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique ;
2° Pour prévenir les dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;
3° Pour la protection de la flore et de la faune.
La même délibération fixe la durée et les limites géographiques de cette déclaration ainsi que les moyens de destruction et d’élimination autorisés »

5.    Dispositions relatives à la pêche.

Les bénitiers : Sur 6 espèces de bénitiers, il y en a deux qui font moins de 22 cm maximum. Elles devraient donc bénéficier de cette réglementation portant sur l’interdiction de les pêcher s’ils ont une taille inférieure à 25 cm. Il faut que les coquilles des bénitiers soient dans le bateau pour les mesurer.

Les trocas : Le projet de modification est formulé comme suit :
 « Sont interdits la pêche, le transport, la commercialisation, l'exposition à la vente, la vente, l'achat, la détention et la consommation des trocas dont le plus grand diamètre est  supérieur à 9 centimètres »
On ne comprend pas la restriction au petit diamètre concernant les trocas. En dessous de 9 cm, le risque nous semble que l’ensemble des petits trocas soient ramassés et donc que cela mette en danger le stock.   

Les holothuries : Une étude de stock préalable ainsi qu’une étude d’impact doivent être effectuées pour déterminer un quota de pêche autorisée. Pour fixer la quantité qu’un professionnel est autorisé à pêcher, l’engagement seul du pêcheur concerné nous paraît insuffisant. De façon plus générale, nous considérons qu’il n’est pas raisonnable de pêcher ou de prélever dans la nature plus qu’elle ne peut produire, et donc d’en connaitre le seuil critique.

6.    Dispositions relatives aux carrières

Les garanties financières de remise en état après exploitation doivent être évaluées sur la base du coût réel de remise en état, en amont, au moment de l’étude d’impact et jointe au dossier au moment de la demande d’autorisation et d’étude d’impact avec enquête publique.

7.    Dispositions relatives aux Installations Classées pour l’Environnement (ICPE)

Le terme « une société dont la capacité financière est notoirement reconnue » nous semble un peu vague. A ce propos, nous nous interrogeons sur les garanties financières apportées pour l’usine du sud classée ICPE. On peut se demander aussi si le fait qu’une partie majoritaire des actionnaires (à plus de 40%) puissent se porter garants sur leurs propres activités n’est pas assimilable à un conflit d’intérêt.  

8.    Dispositions relatives aux déchets.

Nous ne pouvons qu’accueillir favorablement la création d’une nouvelle filière de traitement des déchets. Toutefois, pour le traitement et l’élimination des médicaments non utilisés, se limiter uniquement à l’incinération nous semble réducteur et inapproprié. D’autant plus que ces médicaments pourraient se révéler très utiles pour des personnes qui n’ont pas les moyens de les acquérir et que l’incinération n’est pas sans impact sur la qualité de l’air. Nous proposons qu’un organisme agréé collecte les médicaments non utilisés, via les pharmaciens pour les transmettre à un opérateur chargé d’offrir une nouvelle utilisation à ces produits.

9.    Dispositions relatives aux défrichements

Les mesures de compensation : Elles ne peuvent pas restaurer un écosystème complexe comme une forêt primaire, ou remplacer la disparition d’espèces endémiques rares ou menacées. On ne doit donc y recourir qu’en cas de force majeure, pour un projet d’intérêt général. L’intérêt écologique doit primer sur l’intérêt économique ou financier. Pour réhabiliter un terrain après défrichement, la « revégétalisation » nous semble correspondre à une mesure moins contraignante qu’une « remise en état boisé »

10.    Dispositions relatives aux nuisances visuelles.

Pollution lumineuse : L'augmentation des spots très lumineux à LED pour éclairer les parkings, les usines, les ports ou les aires d’entrepôts de bateaux, sont des nuisances pour les oiseaux marins en voie de disparition. Les enseignes de publicités à LED (par exemple au rond-point de Magenta) sont tellement puissantes qu’elles éblouissent les conducteurs. Une limitation en termes de puissance lumineuse par unité de surface pourrait être imposée.
Il est louable de lutter contre des tags et graffitis. Des panneaux d'affichages ou d’expressions devraient être mis à disposition de la population par les mairies. Ils devraient être accessibles sur la voie publique comme l'impose normalement la loi française issue du droit à l'expression qui n'est pas respectée ici. (cf article R. 581-2 )

Conclusion.

Nous ne pouvons qu’adhérer à l’idée d’adapter le code de l’environnement à l’évolution de la société. Toutefois nous nous interrogeons sur les motivations et finalités de certaines mesures, qui sous l’apparence de la modernité et de la simplification vont plutôt dans le sens d’un allégement des contraintes et donc d’un recul en matière de protection de la nature.
Conformément au vœu sur l’urgence climatique et environnementale adopté en décembre 2020 par le Congrès, des dispositions réellement innovantes auraient pu figurer dans ce projet de modification, par exemple :
-    Accorder à la protection de la biodiversité et des ressources naturelles la priorité sur toute autre considération d’ordre économique ou financier.
-     Inscrire dans le code de l’environnement le principe de non régression, applicable en métropole inscrit dans la loi du 8 août 2016 sur la biodiversité à l’article L110-1 du code de l’environnement, selon lequel, « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
-    Attribuer à certains éléments de la nature la personnalité juridique.
-    Reconnaitre et définir le délit d’écocide.
-    Conformément au droit à l’information des citoyens gravé dans la Charte environnementale adossée à la Constitution, définir les modalités qui permettent à la société civile et donc aux associations qui en sont les porte-parole de participer aux décisions concernant l’environnement.
-    Par exemple pour les aires protégées, préciser les dispositions de participation de la société civile à leur gestion, leur mise en œuvre, leur suivi, leur évaluation.