Callitris pancheri gymnosperme endémique de la Nouvelle-Calédonie

Callitris pancheri

Résumé

Les critères biologiques et commerciaux relatifs à Callitris pancheri satisfont aux exigences d’un classement en annexe II de la Convention de Washington. Compte tenu de sa raréfaction et de la vulnérabilité de ses peuplements, il est proposé de l’inscrire le plus rapidement possible sur la liste des espèces menacées de disparition et nécessitant des mesures de protection strictes, ceci en conformité avec les intentions exprimées dans la Convention sur la Diversité Biologique du 5 juin 1992.


Callitris pancheri

est l’unique espèce d’un genre endémique de la Nouvelle-Calédonie. C’est une espèce grégaire qui est présentée en détail dans la Flore des gymnospermes de Nouvelle-Calédonie par De LAUBENFELS (1972). JAFFRE, VEILLON et CHERRIER (1987) y apportent de nouvelles informations sur son aire de répartition et évoquent son état de conservation.


D’après CHERRIER (1988), Callitris pancheri est réparti en une dizaine de peuplements dont les quatre principaux recouvrent respectivement 122 ha à la Montagne des Sources, 17,5 ha à la Madeleine, 3,5 ha à la Plaine des Lacs et 0,5 ha à Yaté Sud. L’aire de répartition en dehors de quelques peuplements minuscules n’est donc que d’environ 2,4 km2.


Le plus important peuplement de Callitris réparti sur 122 ha à la Montagne des Sources bénéficie en principe du statut de la Réserve Intégrale. Les 17,5 ha à la Madeleine sont également en grande partie à l’intérieur d’une réserve : la Réserve Botanique de la Chute de la Madeleine, qui n’est pas gérée actuellement conformément à son statut et continue donc à se dégrader, ce que nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer dans une note à l’intention des responsables locaux. En outre, cette dernière réserve, comme les 3,5 ha de la Plaine des Lacs se trouvent sur des concessions minières toujours d’actualité.
Tous les peuplements de Callitris pancheri sont en permanence menacés par des feux de végétation qui, en Nouvelle-Calédonie, ne sont ni répertoriés officiellement, ni combattus. Ainsi la régression des populations de Callitris au cours de l’histoire moderne est pour une bonne part imputable aux feux. MORAT et al.(1986) donnent une idée de l’action du feu à long terme. Vu les spécificités des sols, vu le manque de dynamique de cette espèce relique, et compte tenu d’autres pressions anthropiques, aucun peuplement n’a une chance réelle de pouvoir se reconstituer après un incendie. JAFFRE, VEILLON et CHERRIER ( 1987) citent des cas précis et concluent que Callitris, ( comme d’autres espèces de gymnospermes comparables) « aurait jadis eu une extension plus importante, occupant probablement des aires continues ». Un peuplement important (non inventorié d’après nos informations, est signalé comme ayant disparu lors de la mise en eau du lac artificiel de la centrale hydro électrique de Yaté.
La part de responsabilité de l’exploitation dans le déclin des populations de Callitris pancheri est certainement importante, mais on trouve peu de données statistiques étayées.
Il est généralement admis qu’il existait, pendant les années 1940 à 50 un commerce de bois de Callitris pancheri destiné à la distillation d’une huile essentielle, commercialisée sous le nom de « Araucaria Oil », utilisé comme fixateur de parfum dans la fabrication de produits cosmétiques et de savonnettes. Mais déjà en 1942, les inquiétudes sur le sort de peuplement de Callitris pancheri se sont traduites par une réglementation interdisant la délivrance de permis de coupe de bois vert de l’espèce (Arrêté n° 860 du 8/9/42)
Par contre, le Service des Forêt et du Patrimoine naturel ( BOULET – 1988) donne des chiffres pour l’exportation du bois de Callitris pancheri : 60 000 kg en 1948, 1 000 kg en 1954 et 127 750 kg en 1958. Ce Service explique « l’arrêt des coupes » à partir de 1958, par la « prise d’un arrêté interdisant la coupe de bois vert », (un arrêté qui existait depuis 16 ans !) Toujours est-il que Callitris pancheri n’est plus mentionné depuis 1958 dans les statistiques publiées par le Service compétent.


D’après nos informations, la dernière publication scientifique qui traite de « Araucaria Oil » tiré de Callitris pancheri (RAHARIVELO- MANANA et al) date de 1993. Elle témoigne de l’intérêt commercial actuel de Callitris pancheri, et elle donne en plus quelques informations portant à s’interroger sur le sérieux de la protection de Callitris pancheri en Nouvelle-Calédonie. L’espèce est présentée par les auteurs comme « poussant dans le Sud de la Grande Terre… » sans un seul mot sur la rareté effective de l’espèce et les difficultés d’une éventuelle exploitation en raison de l’interdiction de coupes. La publication laisse dans le flou, si le bois « récolté dans la région de la Plaine des Lacs » était prélevé sur des pieds vivants ou morts. En tout cas, si l’on admet la deuxième hypothèse, elle porte atteinte à la validité des résultats. Toujours chez les mêmes auteurs, ( RAHARIVELOMANANA et al 1993), il est en plus question d’un « industrialo il sample, which had been stored for two years » qu’on a comparé en 1993 avec l’huile d’une nouvelle distillation.
Il est à noter que Callitris pancheri continue à faire l’objet d’une exploitation actuelle sous la forme de tranches de bois d’un centimètre d’épaisseur, gravées au laser, qui sont vendues au prix de 2000 CFP l’unité dans les curios ainsi qu’au Parc Forestier.
En termes de critères commerciaux pour l’inscription en Annexe II de la Convention de Washington, il est donc évident que Callitris pancheri fait partie des espèces « which are known or bellieved to bob e, or have been actually or are potentially subject to trade that could result in utilisation incompatible with survival »
Pour ce qui concerne les critères « biologiques », pour l’inscription en Annexe II, Callitris pancheri était classé ( CHAZEAU et al, 1992) « vulnérable », sur une échelle comportant les mentions « rares », « vulnérables », et « endangered ».
Si l’on se réfère aux « New IUCN Categories of Threat » ( Anonym, 1993) l’espèce se situe plutôt dans la catégorie « critical », selon les critères de menace regroupés en C :
« …range area estimated to be less than 10 km2 » ( On trouve des Néocalltropsis sur à peine 2,5 km2)
(C/1) « severly fragmented » ( « une distribution nettement disjointe » d’après JAFFRE, VEILLON, et CHERRIER , 1987)
(C/2) « continuing decline, observed, inferred or projected, in….
-    Geographic extent
-    Range area
-    Area, extent and or quality of habitat
-    Number of locations
-    Number of mature individuals”


Malgré l’absence d’une analyse quantitative (critère e), on ne peut pas raisonnablement exclure qu’il y a “probability of extinction in the wild”, d’au moins 50% dans une durée de deux générations, vu l’absence quasi totale de renouvellement des peuplements, la nature relictuelle (JAFFRE, VEILLON et CHERRIER 1987) de l’espèce et la lenteur apparente du développement des individus in situ. Nous ne pouvons que déplorer aujourd’hui que la « gestion » et l’exploitation des peuplements de Callitris pancheri n’étaient jamais accompagnées d’études quantitatives de leur dynamique.
Nous espérons qu’un classement de Callitris pancheri en Annexe II de la Convention de Washington peut contribuer à déclencher une vraie stratégie de protection de Callitris pancheri et encourager des études supplémentaires sur sa biologie, sa dynamique et éventuellement sa culture ex situ.


BIBLIOGRAPHIE


ANONYMUS, 1993 – New Criteria for Listing Species in the CITES Appendixes. A Report and Recommandations from IUCN – The World Conservation Union to the CITES Standing Commitee, March 1993
ANONYMUS, 1994 – La Réserve Botanique de la Chute de la Madeleine. Propositions de mesures urgentes pour la préservation du site. ACTION BIOSPHÈRE, BP 120 Mont Dore Nouvelle-Calédonie
BOULET, M. 1988 – La production forestière en Nouvelle-Calédonie. Publication du Service des Forêts et du Patrimoine naturel, Nouméa.
CHAZEAU J, CHEVILLON C, GARRIGUE C, JAFFRE T, VEILLON JM , 1992 – National Biodiversity Review. Termes of Reference : New Calédonia. South Pacific Biodiversity Programm.
CHERRIER JF, 1980 – Callitris paancheri, famille des Cupressacées. Rapport Multigr. CTFT Nouméa.
JAFFRE T, VEILLON JM, CHERRIER JF, 1987 - Sur la présence de deux Cupressacées, Callitris pancheri ( Carr.) Laubenf. Et Libocedrus austocaledonica Brogn et Gris dans le massif du Paéoua et localités nouvelles de Gymnospermes en Nouvelle-Calédonie. Bull. Mus. Natn. Hist. nat Paris, 4ème sér.9, section B, Adansonia, n° 3 : 273- 288.
LAUBENFELS, DJ, DE, 1972 – Flore de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances 4 Gymnospermes. Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris.
MORAT Ph, JAFFRE T, VEILLON JM, MAC KEE HS, 1986 – Affinités floristiques et considérations sur l’origine de maquis miniers de la Nouvelle-Calédonie. Bull. Mus.natn, Hist. Nat, Paris, 4 sér. , 8 section B, Adansonia, n° 2 : 133 – 182.
RAHARIVELOMANANA, P, CAMBON A, AZZARO M, BIANCHINI JP, CLAUDE LAFONTAINE A, GEORGE G, 1993 – Volatile Constituents of Callitris pancheri ( Carrière) de Laubenfels Hearwood Extracts ( Cupressacea) J. Essent. Oil Res., 5 , 587 – 595.