Objet : Lettre commune des acteurs associatifs Calédoniens de protection de l’environnement contre la mise en place d’une « filière requin » en Nouvelle-Calédonie.
Madame la Présidente,
Nous avons lu dernièrement dans la presse que la Province Sud envisage de réactiver des filières de valorisation des carcasses de requins provenant de Nouvelle-Calédonie. Selon les propos de la rapporteuse de la commission de l’environnement à la maison bleue, Mme SUVE, des réflexions seraient en cours afin de promouvoir la commercialisation du requin sous différentes formes, à savoir : l’exportation des ailerons, la consommation de la viande, la transformation en biostimulants, l’exportation d’huile de foie de requin, la transformation des dents et mâchoires en guise de décoration.
Ces réflexions autour de la commercialisation de ces animaux nous interpellent. Comment en l’espace de trois ans notre politique environnementale a-t-elle pu passer de « protection intégrale des requins » à « réouverture du commerce de requins » en Nouvelle-Calédonie ?
Pourquoi vouloir inscrire la Nouvelle-Calédonie dans une politique antinomique aux avancées actuelles en matière de préservation des squales ? Une initiative citoyenne contre le commerce d’ailerons de requin a récolté en Europe plus de 1.1 million de signatures, obligeant les dirigeants de l’UE à renforcer la règlementation en vigueur d’ici juillet 2023.
La CITES vient d’inscrire 54 espèces de la famille des Carcharhinidae à son Annexe II. Cette liste s’agrandit et démontre une volonté marquée de faire évoluer les règlementations internationales en matière de protection des requins. Le commerce d’ailerons est la principale cause de l’effondrement des populations de requins partout dans le monde. Le sujet est aujourd’hui très largement médiatisé, l’image véhiculée par la réouverture du commerce d’ailerons en Nouvelle-Calédonie ne pourra être que négative.
Dans l’industrie cosmétique, l’utilisation de l’huile de foie de requin suscite également bien des polémiques, de sorte qu’aujourd’hui, rares sont les marques européennes qui utilisent encore des animaux dans leurs produits. Vos filières seraient alors uniquement dirigées vers l’Asie, une bien terne image pour notre territoire.
En ce qui concerne les transformations destinées à la joaillerie ou au marché de la décoration, nous rappellerons simplement que nous sommes en l’an 2023 et que le temps où il était de « bon goût » de porter une dent ou exposer une mâchoire d’un animal en voie d’extinction est heureusement révolu.
Quant à la commercialisation de « viande de requins », nous vous rappelons qu’elle est contaminée par des résidus hautement toxiques tels que le mercure et la ciguatoxine. Il n’aura échappé à personne que la Province Sud incite aujourd’hui les Calédoniens à pêcher les requins Tigres et Bouledogues. Toutefois, la mise en place de filières lucratives serait un réel danger pour l’ensemble des espèces de requins tant vos moyens de contrôle sont insuffisants en matière de respect des règles environnementales.
Dents, huiles de foie, ailerons, chairs, comment allez-vous identifier les espèces concernées pour vous assurer qu’il ne s’agisse pas de squales protégés ? Quel suivi des ressources (Tigres et Bouledogues) pour éviter qu’elles ne disparaissent ?
Ce nouveau pas en arrière en matière de préservation d’espèces classées UICN ne trouvant pas sa motivation dans une volonté de prévention du risque requin, nous vous demandons de bien vouloir reconsidérer vos positions en prenant en compte les aspects environnementaux majeurs inhérents à ce dossier complexe.
En espérant que notre courrier retienne toute votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame, nos salutations distinguées.
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