Enquête publique pesticides, observations d'Action Biosphère

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Fleurs  des champs

Dans le cadre du projet d’autorisation d’une substance active et de produits phytopharmaceutiques en Nouvelle Calédonie, la DAVAR a décidé d’ouvrir une enquête publique du 17 août au 07 septembre 2023.

https://davar.gouv.nc/consultations-publiques/produits-phytopharmaceutiques-agrements-et-homologations-0

 Le 18 juillet 2023, à l’occasion d’une réunion du Comité Consultatif des Produits Phytopharmaceutique à Usage Agricole et de Jardin (CCPPUAJ), notre association avait déjà donné un avis défavorable à la plupart des produits soumis aujourd’hui à enquête publique en raison de leur risque pour la santé et de leurs dangers pour l’environnement. L’enquête publique nous offre aujourd’hui l’opportunité de préciser les raisons qui nous ont conduit à adopter ce point de vue.

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
1.    GP FLUPROPANATE GRANULAR HERBICIDE FLUPROPANATE SODIUM RAS

Observations : Nous avons bien noté l’intérêt de ce produit, (le GP FLUPROPANATE) pour les éleveurs pour enrayer la prolifération du sporobolus une adventice qui prolifère dans leurs pâturages, réduit la surface utile à l’alimentation des bovins et donc porte atteinte à la rentabilité de leur activité. Nous avons toutefois constaté que la SA (FLUPROPANATE Sodium) agréée en Australie et en Nouvelle Zélande n’est pas autorisée en France ni en Europe, probablement en raison de sa forte toxicité, ou l’insuffisance des informations concernant son impact sur la santé et l’environnement.

Nous constatons aussi que la colonne phrase de risque ne comporte aucune indication si ce n’est la mention RAS (Rien A Signaler), une mention d’autant plus surprenante qu’elle ne correspond pas aux mises en garde et recommandations suivantes qu’on peut trouver sur ce produit, par exemple :
H314 : Selon la classification GHS, il peut provoquer de graves brûlures de la peau et des lésions oculaires.
Dans un document de CAP NC on peut lire :

-    « Eviter tout contact avec les yeux et la peau
-    Ne pas inhaler de brouillard de pulvérisation
-    Lors de la préparation de la bouillie, porter des gants de protection jusqu’au coude et un écran facial ou des lunettes de protection….
-    Délai de rentrée des animaux dans les pâturages (source Australie) :
-    Les zones recevant un traitement en plein ne doivent pas être pâturées ou coupées pendant au moins 4 mois après pulvérisation…
-    Les animaux ne doivent pas pâturer dans les zones traitées au moins 14 jours avant l’abattage. Si le bétail a pâturé, ne pas l’abattre, ni le traire pour la consommation humaine jusqu’à ce qu’il ait reçu des aliments sains pendant 14 jours. Les vaches ou les chèvres en lactation ne doivent pas pâturer dans les zones traitées » 

Sur les fiches techniques on peut lire aussi que le Flupropanate est une substance systémique très toxique pour la faune sauvage en particulier les organismes aquatiques, qu’il peut contaminer les ruisseaux, les rivières et les cours d’eau et qu’il faut tenir les animaux à l’écart des zones traitées.

En ce qui concerne le stockage et l’élimination : « Ne pas réutiliser le récipient ou l’emballage. Briser, écraser ou perforer et remettre les emballages vides à une installation de gestion des déchets agréée. Si une installation de déchets agréée n’est pas disponible, enterrer l’emballage vide à 500mm sous la surface dans une fosse d’élimination spécifiquement marquée et aménagée à cet effet, loin des cours d’eau, de la végétation souhaitable et des racines d’arbres, conformément aux réglementations locales, étatiques ou territoriales pertinentes et ne pas brûler les emballage vides ou le produit. Nous considérons que nous ne disposons pas localement du cadre technique, réglementaire et de contrôle de traitement des récipients et emballages vides après usage.

Considérant ces informations et l’absence d’indications sur les impacts de ce produit à long terme, nous sommes opposés à l’agrément en Nouvelle Calédonie de cette substance active et l’homologation du produit commercial dérivé.

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
2.BESTSELLER 100 EC Alpha cyperméthrine  H 226 : Liquide et vapeurs inflammables 
H 302 : Nocif en cas d’ingestion
H 332 : Nocif en cas d’inhalation
H 316 : légère irritation de la peau
H 319 : grave irritation des yeux
H 373 : Peut causer des dommages aux organes en cas d’exposition prolongée ou répétée
H 400 : Très toxique pour les organismes aquatiques
H 432 : Toxique pour les vertébrés terrestres
H 441 : Très toxique pour les invertébrés terrestres 

 Observation : L’Alpha cyperméthrine est un produit classé dangereux par l’EPA. La cyperméthrine est un insecticide pyréthroïde qui est sur le marché européen depuis 2005, candidat à la substitution. L’EFSA a mis en évidence que l’évaluation des risques était incomplète en ce qui concerne les risques de perturbation endocrinienne. Sa toxicité pour les abeilles est très proche de celle des néonicotinoïdes déjà interdits, elle doit donc être également interdite. La base SAGE (Canada) considère que les risques de la cyperméthrine à long terme sont élevés. La substance est considérée cancérigène possible chez l’homme (selon US-EPA) et neurotoxique. Selon PPDB (Royaume Uni), elle est peut-être carcinogène, perturbateur endocrinien et un toxique certain pour la reproduction/développement.   

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
3.DIFFERENCE 250 EC Difenoconazole H 227 Liquide combustible
H 303 Peut être nocif en cas d’ingestion
H 316 Provoque une légère irritation de la peau
H 319 : Provoque une grave irritation des yeux 
H 373 : Peut causer des dommages aux organes en cas d’exposition prolongée ou répétée 
H 411 : Toxique pour la vie aquatique avec des effets à long terme
H 412 : Nocif pour la vie aquatique avec des effets durables

Observations : Classé PBT (Substance persistante bioaccumulable et toxique, le Difenoconazole est candidat à la substitution en Europe. Outre les phrases de risque relevées pour le produit précédent, surtout en matière de toxicité aigüe, on peut retenir les risques avérés et ses effets à long terme pour la vie aquatique. On peut lire aussi sur les fiches techniques qu’il est « interdit aux utilisateurs de ce produit de dépasser le niveau de résidus défini par la LMR ainsi que les délais de sécurité. Ce qui soulève la question des effets chroniques potentiels sur la santé, de ce produit. Il peut provoquer semble-t-il des « dommages aux organes » mais on ne précise pas lesquels. SAGE (Canada), considère ses effets sur la santé élevés, notamment en raison de sa toxicité pour le foie, le cœur, la tyroïde et les reins.  

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
4.    LAVRON Lambda Cyhalothrine H 330 : Mortel par inhalation
H 301 : Toxique en cas d’ingestion
H 313 : Peut être nocif en cas de contact avec la peau
H 316 : Provoque une légère irritation de la peau
H 319 : Provoque une grave irritation des yeux
H372 : Cause des lésions aux organes par exposition prolongée ou répétée
H 400 : Très toxique pour la vie aquatique
H 432 : Toxique pour les vertébrés terrestres
(mais aussi pour les invertébrés terrestres) 

Observation : Ce produit insecticide est classé dangereux par L’EPA. La lambda Cyhalothrine est également candidate à substitution en raison de seuils de sécurité faibles avec une toxicité aigüe importante et 2 critères PBT (substance persistante bioaccumulable toxique).  Selon la base de données canadienne SAGE, les cyhalothrines est potentiellement cancérogènes, a des effets sur l système endocrinien, est neurotoxique et a des effets sur le développement. Selon PPDB (Royaume Uni), elle peut être toxique pour le système immunitaire et pour la thyroïde chez les personnes sensibles. L’ANSES classe en avril 2020 la lambda-cyhalothrine comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. La lambda cyhalothrine est très toxique chez les poissons d’eau douce. Son potentiel de bioaccumulation dans les tissus des organismes aquatiques est élevé. C’est un insecticide toxique pour les abeilles

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
5. METRIPHAR 48 SC Métribuzine H 302 : Nocif en cas d’ingestion
H 316 : Provoque une légère irritation de la peau
H 319 : Provoque une grave irritation des yeux
H 317 : Peut provoquer une réaction allergique cutanée
H 373 : Peut causer des dommages aux organes par une exposition unique, prolongée ou répétée
H 410 : Très toxique pour la vie aquatique avec effets à long terme
H421 : Très toxique pour l’environnement du sol
H 432 : Toxique pour les vertébrés terrestres

Observations : Les études sur ce produit au Canada révèlent une toxicité modérée. De faibles concentrations de métribuzine ont été observées dans les sources d’approvisionnement en eau et l’eau potable dans certaines provinces. Chez les animaux, des études à doses répétées ont montré que le métribuzine ciblait principalement le foie et dans une moindre mesure la thyroïde. Les études chez les hommes n’ont révélé aucun lien entre l’exposition à la métribuzine et l’incidence de cancer ou de la maladie de Parkinson. Au Canada la concentration maximale acceptable dans l’eau est de o,o8 mg/L, ce qui constitue en soi une alerte préoccupante   

Produits Substance Active (SA)  Phrases de risque
6.STRADA Pendiméthaline H303 : Peut être nocif en cas d’ingestion
H317 : Peut provoquer une réaction allergique cutanée
H 371/ 373 : Peut causer des dommages aux organes par exposition unique, prolongée ou répétée
H 410 : Très toxique pour la vie aquatique avec effets à long terme
H421 : Très toxique pour l’environnement du sol
H 433 : Nocif pour les vertébrés terrestres

Observations : Le pendiméthaline est un herbicide candidat à substitution eu Europe en raison de 2 critères PBT (Substance persistante bioaccumulable Toxique). On ne peut que déplorer dans les fiches techniques officiels l’absence totale d’informations sur les effets chroniques à long terme en particulier les risques CMR (Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques).  Selon SAGE (Canada) et selon l’US-EPSA, il est cancérigène possible en raison de l’incidence accrue d’adénomes des cellules folliculaires de la thyroïde chez les rats mâles et femelles. Sa principale cible est la thyroïde avec des risques potentiels sur le développement du cerveau.   SAGE et PPDB le considèrent comme un perturbateur endocrinien possible et conclut à des effets élevés à long terme. L’ANSES classe le pendiméthaline comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. PPDB affirme un effet avéré sur la reproduction/développement. Par ailleurs le produit est toxique pour le foie. 

Conclusion : 
Le projet d’arrêté qui nous est soumis vise à élargir encore le panel de produits et substances dangereux pour la biodiversité et expose l’utilisateur et les consommateurs à plus ou moins long terme, à des problèmes de santé. Nous constatons qu’il ne comporte aucune proposition alternative à l’usage de pesticides et craignons que le recours à l’importation de ces produits ne constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre de pratiques saines agricoles respectueuses de la santé et de l’environnement.

Il ne « s’inscrit pas dans une démarche globale visant à réduire progressivement l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en Nouvelle Calédonie » comme le préconise l’article premier de la Loi de Pays du 7 février 2017. 

Au lieu de rallonger la liste déjà trop longue des produits phytopharmaceutiques toxiques et dangereux déjà autorisés en Nouvelle Calédonie, nous ne pouvons qu’encourager les autorités et organismes administratifs, de recherches agronomiques compétentes à mettre tout en œuvre pour en réduire le nombre et surtout encourager les pratiques agricoles respectueuses de la santé et de l’environnement.  

Sources : 
-     Fiches techniques officielles fournies par la DAVAR, en particulier pour les phrases de risque.
-    « Enquête sur les pesticides dans le secteur du code postal 67 120 » - Dr Anne VONESCH Alsace Nature.

NB : Les phrases de risque sont d'anciennes annotations qui étaient présentes sur les étiquettes de produits chimiques qui indiquaient les risques encourus lors de leur utilisation, de leur contact, de leur ingestion, de leur inhalation, de leur manipulation ou de leur rejet dans la nature ou l'environnement.