Contribution au projet de création de réserves, CdG 17

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Nudibranche

Nudibranche

carte 1: Proposition de AB, zone à protéger bleue claire plus ligne rouge a l'ouest
Proposition de protection du projet en l'état actuel

A messieurs les co-présidents du Parc naturel de la mer de Corail, sous couvert
du chef de service du Parc naturel de la mer de Corail et de la pêche,
Aux membres du Comité de gestion du Parc naturel de la mer de Corail
Aux membres du collège de la société civile du comité de gestion du Parc naturel de la mer de Corail,

Objet : Consultation du comité de gestion sur le projet de protection forte de 10 % du Parc
naturel de la mer de Corail : précisions d’Action Biosphère.

Avec les membres du collège de la société civile, Action Biosphère accueille évidemment très favorablement le projet du gouvernement de placer 10 % de la surface du Parc naturel de la mer de Corail (PNMC) sous protection forte.
Consulté pour donner son avis, le comité de gestion du PNMC a appelé les divers collèges du comité à formuler leurs propositions sur ce projet. En qualité de membre du collège de la société civile, Action Biosphère a participé activement aux échanges et réunions du collège en vue de la rédaction d’un communiqué commun. Ces échanges ont permis de dégager des points de convergence sur certaines questions. Mais ils ont aussi révélé des points divergents, sur lesquels aucun accord n’a pu être trouvé. Voici les propositions défendues par notre association et la façon dont elles ont été prises en compte :

1. Qu’appelle-t-on une « protection forte » ?

Il nous parait essentiel de commencer par définir avec précision, ce qu’on entend par « protection forte » et à quelle catégorie UICN internationalement admise correspond cette appellation. Le plan de gestion du PNMC ne comprend à l’heure actuelle que 2 modalités de protection :
- Les réserves intégrales (7000 km² soit - 0,5 % de la surface du PNMC) - Les réserves naturelles (21000 km² soit1,6 % de la surface du PNMC)
Conformément aux standards internationaux et aux catégories UICN, nous considérons que seules les réserves intégrales peuvent se prévaloir d’une appellation de « protection forte ». 
- Les réserves naturelles qui correspondent à la catégorie IUCN II, autorisent le tourisme de tous genres et ne peuvent de ce fait être considérées comme une « protection forte ». Le collège de la société civile a pris en compte cette proposition en retenant, pour la rédaction du communiqué final, les catégories Ia et Ib pour caractériser une « protection forte », excluant donc la catégorie UICN II et le tourisme de masse.

2. Les zones d’intérêt écologique et biologiques qui relèvent d’une mise sous protection forte

Nous demandons le classement en catégorie I a ou I b les écosystèmes précieux, les rides (monts sous-marins), bancs, plateaux ou récifs que nous voulons préserver. Considérant que la préservation des espèces vulnérables qui peuplent la mer de Corail requiert, en priorité, la protection des sites de reproduction, nous demandons que tous les îlots coralliens à oiseaux marins et tortues marines, ainsi que les îles Walpole, Ma􀆩hew et Hunter bénéficient d’un classement en réserve intégrale (catégorie IUCN Ia). Ceci, afin de limiter le dérangement humain qui est une cause majeure d’échec de la reproduction pour ces espèces. Selon les critères de l’ONG BirdLife, les IBA de la ZEE calédonienne comprennent non seulement l’île de Walpole et les atolls des Chesterfield et d’Entrecasteaux, mais aussi la Caye de l’Observatoire (25 000 couples du puffin du Pacifique ; 13 000 couples du noddi brun ; 10 000 couples de la sterne fuligineuse) ainsi que l’île Mathew (260 couples du noddi gris, soit plus de 4% de la population mondiale de cette espèce et 20 000 couples de la sterne fuligineuse).

3. Cas particulier de Mathew et Hunter

Nous tenons à préciser pour ces îles qui font l’objet d’une réclamation de la part du Vanuatu que nos considérations sont uniquement écologiques. Nos souhaits de protection forte pourraient être partagés avec nos voisins dans le cadre d’accords futurs.

4. Le périmètre de protection autour des IBA

Nous demandons que chaque zone importante pour la reproduction des oiseaux marins (IBA= ZICO) soit entourée d’une zone de non-pêche d’un rayon de 250 km. Ce􀆩e distance correspond au rayon de prospection des fous à pieds rouges en période de reproduction ainsi que des frégates du Pacifique, et inclut celui des fous masqués et des fous bruns.

5. Sur la connectivité avec les pays voisins

Il nous semble pertinent de conserver une connexion avec les grandes zones protégées de la partie australienne de la mer de Corail où aucune pêche industrielle n’a lieu. En prolongeant cet espace jusqu’aux récifs des Chesterfield et Bellona, la Nouvelle-Calédonie créerait un corridor du récif à la haute mer perme􀆩ant la connectivité entre les ZEE australienne et calédonienne.

6. Gouvernance

Membres du collège de la société civile au même titre que les ONG qui ont pris en main la rédaction d’un communiqué commun, nous regretons leur refus de prendre en compte notre demande de périmètre de protection pour la Caye de l’Observatoire. Nous considérons que cette décision seule est une raison suffisante pour ne pas cosigner le courrier collectif émanant du collège de la société civile. Une autre raison tient à la dernière phrase de ce courrier rajoutée sans la moindre concertation, ni discussion : « Enfin il paraît essentiel que le service des pêches suive en toute transparence l’effet qu’aura la protection de ces zones sur l’activité de pêche hauturière calédonienne dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs du Parc afin d’évaluer la compatibilité voire la synergie au sein de l’espace maritime du Parc entre les intérêts de la conservation de ce patrimoine et les intérêts du maintien et de la prospérité de notre pêche hauturière » Sachant que la pêche hauturière à la palangre pratiquée en NC est classée « pêche industrielle » et que cette activité est exclue de toutes les catégories de protection UICN, il nous paraît dès lors contradictoire voire surréaliste de vouloir évaluer la compatibilité de la conservation du patrimoine naturel avec les intérêts, le maintien et la prospérité de cette activité.
Enfin, au sein du comité de gestion nous vous remercions par avance de l’intérêt porté à nos avis et de votre compréhension.
Action Biosphère, le 7 Juillet 2023

légendes des cartes :

- IMMA: Aires Importantes pour les Mammifères Marins (en anglais Important Marine Mammal Areas)
- ZICO: Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux (ZICO)
Les ZICO ont été désignées dans le cadre de la Directive Oiseaux 79/409/CEE de 1979 ( équivalant anglais IBA pour Important Bird Area)
- EBSA: aires marines d'importance écologique ou biologique (en anglais ecologically or biologically significant marine areas)